Je vais commencer mon propos par un résumé de « Drive –
the surprising truth about what motivates
us », le livre de Daniel Pink qui traite de la motivation. J’ai
mentionné plusieurs
fois dans ce blog Daniel Pink et ses célèbres exposés sur ce qui
nous motive et nous pousse à nous dépasser. « Drive »
s’ajoute à « A
Whole New Mind » dans ma liste de livres favoris. Le thème du livre
tient à la conviction que la motivation extrinsèque ne fonctionne plus au 21e
siècle, précisément à cause de la complexité du monde et des tâches que nous
avons à accomplir. L’intérêt du livre est qu’il ne s’agit pas d’une conviction,
mais d’une collection de démonstrations scientifiques, fondées sur des
expériences répétées de psychologie cognitive. Le résumé du livre tient dans ce slogan : « There
is a gap between what science knows and business does ».
Voici donc un résumé incomplet des principales idées qui
sont connexes aux thèmes de ce blog:
- Dans un monde de tâches complexes et créatives, les entreprises doivent réinventer leur système de motivation. Ces entreprises se sont appuyées depuis des siècles sur la motivation extrinsèque, les traditionnels « carottes et bâtons », mais cette approche n’est plus adaptée au 21e siècle. Il faut maintenant inventer une « motivation 3.0 » intrinsèque, dans laquelle chaque collaborateur est la source de sa propre motivation. La motivation extrinsèque fonctionne pour des tâches simples et répétitives - des « procédures ». Mais le monde complexe réclame de la créativité et de l’innovation, nous sommes passés de l’algorithme à l’heuristique. « As the 20th century progressed, as economies grew still more complex, and as the people in them had to deploy new, more sophisticated skills, motivation 2.0 encountered some resistance ». Cette “motivation 2.0” est celle que nous connaissons dans nos entreprises, elle est fondée sur les objectifs et la reconnaissance de la performance, en particulier sous forme monétaire (bonus). Daniel Pink nous met en garde contre le recours systématique aux « management par objectifs » : « Goals may cause systematic problems for organizations due to narrowed focus, unethical behavior, increased risk taking, decreased cooperation, and decreased intrinsic motivation”. Je vous renvoie au deuxième chapitre de mon dernier livre ou à « Managing » de Mintzberg.
- Une partie importante du livre est consacrée à la justification par des études de ce principe d’auto-détermination (self-determination theory), du à Edward Deci. On y retrouve les expériences décrite dans la célèbre vidéo animée : dans différents pays, des équipes ont effectué des tâches diverses selon plusieurs systèmes de motivation, et dès que les tâches sont légèrement complexes, la motivation par la récompense financière est contre-productive. Pour citer Edward Deci : « when people use rewards to motivate, that’s when they’re most demotivating ». Sam Glucksberg, à Princeton, a conduit des expériences qui expliquent ce mécanisme : la récompense par bonus produit un stress qui inhibe la créativité. Le pire pour obtenir des bons résultats sur un test qui réclame « de penser hors du cadre » est d’expliquer qu’il s’agit d’une évaluation des aptitudes, alors que la meilleure approche est de le présenter comme un jeu. On retrouve ici les thèses de Daniel Kahneman
- Une des caractéristiques de la motivation intrinsèque est de remettre à l’honneur le plaisir de faire les choses. Le livre de Daniel Pink commence par l’anecdote des expériences de Harry Harlowe sur les singes, qui montre ceux-ci continuant à résoudre des puzzles logiques pendant leur temps de repos, pour leur simple plaisir de résoudre ces problèmes. Le plaisir à effectuer une tâche complexe est une des plus puissantes sources de motivations. Elle a été théorisée par Mihalyi Czikszentmihalyi avec le concept de flow. L’état de « flow » est atteint par des artistes, des sportifs, des intellectuels qui exercent leur activité dans un état de concentration et de plaisir prolongé. Selon ses propres termes, « The challenge wasn’ t too easy, nor was it too difficult …. That balance produced a degree of focus and satisfaction that easily surpassed others …. ». Un exemple très intéressant vient de l’open-source : dans une étude conduit par Lakhani et Wolf sur 684 développeurs, le résultat sur la motivation révèle que le plaisir est le premier moteur : « Enjoyment-based intrisic motivation, namely how creative a person feels when working on the project, is the strongest and most pervasive driver ».
- J’ai déjà énoncé plusieurs fois le triptyque de la motivation selon Daniel Pink : autonomy, mastery & purpose. Ce livre fourmille d’exemples qui illustrent l’importance de l’autonomie (« Human beings have an innate drive to be autonomous, self-determined, and connected to one another”). En particulier on retrouve l’exemple célèbre de la règle des 20% de Google qui a produit de nombreux succès tels que Gmail, Orkut, Google Talk, Google News, Google Sky ou Google Translate. On y parle également des « grouplets » : « Those efforts require what he call a « grouplet » - a small, self-organized team that has almost no budget and even less authority, but tries to change something within the company ». Un autre exemple remarquable est celui de Atlassian, une entreprise dans le domaine du logiciel en Australie, qui a par exemple implémenté le concept du “Fedex Day”, un jour (et une nuit) laissé libre à chaque employé pour réaliser le projet de son choix. Comme chez Google, cette pratique a un double bénéfice de satisfaction/motivation qui se traduit par une valeur exceptionnelle en amélioration de produits existants et création de nouveaux produits. Il faut noter que chaque Fedex Day se termine par une présentation par chacun de son projet aux autres (reconnaissance) et par une grande fête (plaisir). J’ai également noté cette belle citation de Tom Kelley (IDEO) : « In the long run, innovation is cheap. Mediocracy is expensive – and autonomy can be the antidote ».
- Le concept de « mastery » représente le plaisir que chacun peut avoir à se sentir progresser jour après jour, à « maitriser » sa discipline dans un mouvement de recherche continue de l’excellence. La satisfaction du « mastery » est liée à l’effort – « Mastery is pain » - , comme le remarque Carol Dweck dans une étude sur ce qui motive les « cadets » de l’armée américaine : « the best predictor of success is the prospective cadets’s rating on « perseverance and passion for long-term goals ». Je vous renvoie ici à la lecture de « Outliers » de Malcom Gladwell ou de « Talent is overrated » de Geoff Colvin, qui est résumé dans ce livre par «Many characteristics once believed to reflect innate talent are actually the result of intense practice for a minimum of 10 years ». Cette constatation nous conduit directement à la valeur duale de l’engagement : « Only engagement can produce mastery ». Le challenge posé au management des entreprises est donc : comment passer de l’acceptation (des ordres, des objectifs, des consignes) à l’engagement ? Parmi ces leviers de motivations, le « mastery » contient une partie de sa propre récompense sous la forme du plaisir que nous avons à apprendre. Toujours d’après les travaux de Carol Dweck, l’apprentissage est un moteur inépuisable de satisfaction : « « With a learning goal, students don’t have to feel that they’re already good at something in order to hang in … their goal is to learn, not to prove that they’re smart »
- La dernière composante de la motivation intrinsèque est la conscience que son action participe à quelque chose de plus grand que nous-même. C’est d’ailleurs l’enseignement de Viktor Frankl sur le sens de la vie, tiré de l’observation des prisonniers des camps de concentration pendant la deuxième guerre mondiale. On retrouve ici également les enseignements de Mihalyi Czikszentmihalyi : « One cannot lead a life that is truly excellent without feeling that one belongs to something greater and more permanent than oneself ». Pour motiver ses collaborateurs, il faut donc donner un sens à leur action, leur présenter un “purpose” qui dépasse et transcende leur contribution individuelle (cf. la métaphore devenue classique du bâtisseur de cathédrale). C’est d’ailleurs ce que nous dit François Dupuy dans « Lost in Management » : les collaborateurs des grandes entreprises sont démotivés par la complexité des grandes organisations, ils ont perdu ce sens de leur finalité. Ceci nous conduit à dire que les managers doivent être des "story tellers", faisant un lien naturel avec le livre précédent de Daniel Pink ("A Whole New Mind").
Une des choses qui m’a le plus marqué en lisant ce livre est
le fait d’y retrouver les principes du Toyota Way tels qu’ils
sont rapportés par Jeff Liker. Très précisément, on retrouve le triptyque de
Daniel Pink dans la philosophie du travail que constitue le lean management :
- Autonomie: un des piliers du lean est le concept d’équipe autonome. L’équipe est autonome dans sa recherche de solution au travers du kaizen, et elle est autonome dans sa capacité à challenger et dépasser le « standard ». On retrouve bien sûr cette importance dans la déclinaison du lean dans le monde du logiciel, je pense ici par exemple aux sprints de la méthode SCRUM.
- Maîtrise : le sens du « mastery » est intrinsèquement lié à la culture japonaise, on le retrouve aussi bien dans le kaizen que dans la pratique des 5S. Le « standard » est également un outil de « mastery » (la dualité du standard comme outil de capitalisation et outil d’amélioration continue est une des subtilités du lean, souvent mal comprise, cf. ce qui va suivre). Ce n’est pas un hasard si l’apprentissage joue un rôle aussi important dans le « Toyota way ». L’apprentissage cherche à développer ce que François Jullien appelle la « connaissance processive », lié à un apprentissage par l’expérience, non réflexif (un excellent sujet pour un prochain billet de ce blog)
- Finalité : le lean est construit sur une finalité simple mais profonde, celle du client et de sa satisfaction. De cette finalité découle l’orientation-client et l’amour du produit qui sont deux caractéristiques essentielles du lean. Réussir une transformation lean ne consiste pas à mettre en place des outils, des pratiques ou des méthodes, cela consiste à ancrer l’amour du client dans le comportement de chacun. Dans le monde du logiciel, on ne peut que rapprocher l'importance apportée aux "histoires" dans la méthode SCRUM avec ce besoin de sens et de finalité.
Si j’insiste à ce
point sur l’adéquation entre le « Toyota Way » et ce que nous
explique Daniel Pink, c’est que la démotivation est un
mal profond de nos organisations en ce moment. C’est un des pivots de l’analyse
d’Yves Morieux que je cite en introduction de mon livre.
C’est en général à ce moment qu’un interlocuteur m’objecte
que précisément le lean n’est pas un
élément de solution mais une partie du problème dans la démotivation. On trouve régulièrement des
articles qui critiquent l’introduction du lean
management, et parfois des
décisions de justice qui semblent aller dans le même sens. Le plus souvent,
il s’agit d’un contre-sens, on confond lean
management et cost-cutting. On
retrouve néanmoins dans la plupart des critiques plus construites du lean
management l’augmentation
du stress. Il y a clairement un fond de vérité dans cette interrogation,
que l’on retrouve également à
propos des méthodes agiles. Pour ceux qui souhaitent approfondir cette
interrogation, je vous recommande le rapport
de Master de Christophe Metzinger qui contient une bonne analyse et une
bonne bibliographie sur le stress au travail (on y retrouve sans surprise que c'est l'absence d'autonomie qui est un facteur de stress !).
Il n’y a en fait aucune surprise : la combinaison du
synchronisme et de l’engagement produit
naturellement du stress. Cette combinaison est par ailleurs ce qui permet d'éviter les maux décrit par Frédéric Cavazza dans son billet (la force du synchronisme est d'éviter l'éparpillement). Un de mes collaborateurs m’a d’ailleurs fait
remarquer que le lean s’appuie sur trois principes : l’agilité (dans le
sens de rapidité, réduction du lead time), le synchronisme (avec l’engagement
qui le caractérise) et l’acceptation des aléas et incertitudes, qui sont tous
les trois générateurs de stress. J’ai eu la chance d’en discuter avec Francis
Jauréguiberry qui m’a conforté dans cette analyse, en particulier en ce qui
concerne la
relation au temps.
Mais il se trouve que le Toyota Way contient également des
pratiques et des principes pour diffuser ce risque. La première pratique est
celle du heijunka,
le lissage de la charge. Dans le monde du « lean software », on insiste sur la notion de rythme durable (sustainable) depuis les fondements de l’extreme programming ! Le
lissage de charge et la recherche d’un rythme durable n’est pas une élégance, c’est
vital pour pouvoir vivre les contraintes de l’engagement et du synchronisme. Le
principe systémique qui évite le « burn-out »
est de façon paradoxale le fonctionnement en flux tendus (pull) qui exige de
rester dans des
zones « linéaires » de taux de charge. Le fonctionnement lean n’est pas un fonctionnement sans
marge de manœuvre (ce à quoi aboutit le cost
cutting indifférencié), c’est un fonctionnement sans zone tampon. Le
fonctionnement à flux tirés exige de conserver ces marges de manœuvre. Une
autre pratique qui réduit le risque de stress est l’emphase placée sur le
retour d’expérience et la prise de recul, ce que l’on désigne par Hansei
dans le monde du lean. La pratique
des rétrospectives dans la méthodologie SCRUM est l’illustration simplifiée du Hansei.
L’article
de Valtech que j’ai cité plus haut contient une analyse des bonnes
pratiques des méthodes agiles pour diffuser les risques de stress qui illustre
l’application de ces principes.
La conclusion naturelle est, fort logiquement, que les trois piliers de la motivations (autonomie, maîtrise et sens) sont les meilleurs pratiques de diffusion du stress. C'est pour cela qu'il ne faut pas comprendre le lean comme une collection d'outils et de pratique, mais bien comme une philosophie du travail.
Rien à rajouter, juste un grand merci pour ce billet absolument passionnant !
RépondreSupprimer"Une autre pratique qui réduit le risque de stress est l’emphase placée sur le retour d’expérience et la prise de recul". Oui, sans aucun doute parce que cette façon de procéder réduit considérablement l'arbitraire et le délire générateur d'angoisses. Mais comment organise t-on précisément ce retour d'expérience et le réajustement expérimental des actions qu'y s'en suit (connaissance processive comme vous dites)?
RépondreSupprimerLa reconnaissance a été pointée par Hegel comme nécessité vitale de chaque être humain, ce qui revient à lui reconnaître sa qualité d'être social. Il me semble que c'est exactement l'enjeu de ce livre (si j'en crois votre texte). Il faut croire que le bâton et la carotte ne sont plus reconnus comme satisfaisants comme balises de la reconnaissance. Ce qui est réclamé, c'est de pouvoir apprécier, évaluer par soi-même la reconnaissance perçue. Ce qui me semble plutôt encourageant, mais quand même en partie un peu idéal, parce que les comportements grégaires, moutonniers font toujours partie de notre quotidien si on observe et si on s'introspecte un tant soit peu. Je ne suis pas certain que la légion d'honneur soit prête à disparaître.
Merci Yves pour cet article riche en sources complémentaires.
RépondreSupprimerLa nécessité de passer à un système basé sur la motivation intrinsèque ne trouve-t-elle pas non plus sa source dans l’évolution de la société ? Oui, nous devons accomplir des tâches différentes et ce dans un monde plus complexe, mais ce monde plus complexe et aussi un monde qui nous offre (globalement) plus de confort et de sécurité (sous nos latitudes). Nous sommes donc tous monté d’un cran ou deux sur cette bonne vieille pyramide de Maslow … nous pouvons aussi ajouter à ceci un changement du rapport à l’autorité qui ne passe plus simplement par de l’autoritarisme (qui offrait une bonne base au duo carotte / bâton). A mes yeux le besoin de ce nouveau système motivationnel ne trouve donc pas uniquement sa raison d’être dans le type de tâche à effectuer mais aussi dans les nouvelles attentes des actifs de nos pays « développés ».
RépondreSupprimerBonjour Yves,
RépondreSupprimerje suis entièrement en phase avec la nécessité de construire un mode de travail différent, et donc aussi un management différent, qui inclue humanité, respect et éthique. Je vois ces changements comme contre-intuitifs, parce qu’ils vont contre une culture très taylorienne, à laquelle nous sommes tous exposés, et il est important d’apporter les raisons rationnelles de la nécessité ce type de changement, et aussi de décrire les mécanismes qui sont à l'oeuvre. C’est pour tout cela que je suis un lecteur assidu de ton blog.
Je souhaitais réagir à ce post, puisqu’il mentionne Daniel Pink, et ça me gène un peu.
Je ne trouve pas le travail de Daniel Pink des plus exemplaires. Comme beaucoup de lecteurs, j’avais au départ beaucoup apprécié ce qu’il disait quand sa vidéo sur TedX était sortie, mais après avoir approfondi mes connaissance en psychologie cognitive, j'ai commencé à faire très attention à tout ce qui se dit à l’intersection des deux sujets « management » et « psychologie », parce qu’on y trouve de tout. Et aujourd’hui, de plus en plus de consultants fleurissent ici et là, avec des approches plus ou moins éprouvées par les preuves. La vague de nouveaux modes de management va amener de nouveaux gourous qui vont gagner de l’influence, et le risque existe de voir de belles intentions gâchées par des approches qui ne tiennent pas la route sur le long terme.
Ce qu’il y a de très bien dans le Lean, c’est précisément son approche industrielle et éprouvée, et je pense qu’elle mérite un complément d’un niveau équivalent sur l'aspect psychologique du management. Or, les recherches à ce sujet existent, mais ce n’est pas exactement ce que dit Pink. Et comme pour le Lean, qui est souvent présenté à tort comme une approche cost-cutting, la psychologie cognitive et comportementale est souvent présentée sous un angle trop scientifique à tel point qu’elle en devient de la manipulation, alors que c’est une réalité qu’il faut bien comprendre et apprivoiser pour l’intégrer dans des pratiques de management éthiques.
En fait, il y a plusieurs choses à redire dans ce que dit Daniel Pink.
La première est dans le mot « intrinsèque », qui laisse penser qu’on est naturellement motivé par quelque-chose ou pas, et qu’il oppose à une motivation extrinsèque du genre « carotte et bâton ». Notre cerveau apprend à partir de mécanismes de base bien connus (circuit de la récompense, et d’inhibition) qui sont précisément du type « carotte et bâton », mais qui peuvent prendre toutes des formes plus subtiles. Les « récompenses » peuvent aller d’un bonus financier à un merci, un bravo ou un sourire. Les « inhibitions » peuvent venir d’une remarque désagréable ou simplement d'une moue de désintérêt. Ce sont des choses qu’on vit tous les jours, notre cerveau accumule tous ces feedbacks positifs et négatifs en permanence pour modeler un système de décision qu’il va réutiliser pour les actions à venir. Ce système est évolutif, et modelé par nos interactions avec le monde. Souvent, cette approche est présentée comme manipulatrice, mais ce qui rend ces choses éthiques ou pas n’est pas dans le feedback qu’on donne ou pas, c’est dans l’intention et dans le fait que le but soit connu et assumé par les deux parties (c’est bien expliqué dans le livre de JL Beauvois, « Les influences sournoises » 2011 ). Et in fine, notre motivation à faire telle ou telle chose est le fruit de cette apprentissage permanent, et peut évoluer dans le temps. C’est plutôt une bonne nouvelle pour tout le monde. Le management et le contexte de travail ont donc un rôle à jouer dans cette motivation. Et on n'est pas intrinsèquement adapté ou inadapté à un poste, tout s'apprend. Féliciter une personne pour un travail bien fait, c’est renforcer sa compréhension des valeurs de l’entreprise, et indirectement influer sur l’importance de la qualité, qui deviendra une de ses valeurs. Intuitivement, on peut toujours se dire que tout le monde aime le travail bien fait, mais ça n’émerge pas tout seul, et même parfois, certains managers vont valoriser un travail vite fait mal fait, et créer une autre valeur (vite fait). C’est une valeur « apprise ». Je donne peut-être l’impression de jouer sur les mots, parce qu’on peut toujours dire que, à la fin, une valeur suffisamment apprise finit bien par pouvoir être considérée comme « intrinsèque », mais en tout cas, on ne peut pas l’opposer au système d’apprentissage, qui en est à l’origine.
RépondreSupprimerLa seconde ambiguïté, c’est quand Dan Pink écrit que la motivation extrinsèque ne marche pas toujours. Elle marche et a toujours marché, il y a des milliers d’études à ce sujet, mais on se trompe souvent sur sa nature, en la caricaturant (rien qu’écrire « carotte et bâton »...). Quand Pink donne l’exemple d’une politique de bonus qui ne marche qu’un temps, on peut comprendre qu’il n’y a pas que l’argent dans la vie, mais si ça ne marche plus à un moment donné, ce n’est pas parce que le principe même de motivation extrinsèque ne marche pas, c’est juste que le bonus n’est plus un élément motivant. On peut comprendre qu’à un certain niveau de salaire, vos besoins de base étant assurés, ce qui vous fera plaisir n’est peut-être pas une augmentation mais une reconnaissance sociale, par exemple. Bref, Pink simplifie un système à l'extrême pour le critiquer ensuite. Je ne trouve pas ça très rigoureux.
RépondreSupprimerLa troisième, c’est quand il parle de science. Il n’est pas lui-même un scientifique reconnu sur le sujet, et il a cité quelques travaux de recherche en le mettant en avant face à une masse de connaissances qu’il occulte. Il y a donc une grosse erreur de perspective. En particulier, le fait que Pink dise que le renforcement positif ne marche pas lui a valu des critiques de la part des spécialistes du sujet. Ci-dessous une critique faite par Aubrey Daniels, qui est un scientifique de la psychologie comportementale, et consultant en management, et qui explique pourquoi Dan Pink l'énerve.
http://aubreydaniels.com/blog/2010/01/26/drive-me-crazy/
Je précise qu’Aubrey Daniels est un de ces scientifiques qui arrivent à concilier la psychologie scientifique avec l’éthique, et je vous recommande en particulier cette courte présentation qui explique pourquoi, sur la base de principes simples mais prouvés, il ne faut pas faire des programmes d’employé du mois, du pilotage par objectifs non atteignables, …etc
http://fr.slideshare.net/AubreyDaniels/oops-13-management-practices-that-waste-time-and-money
Pour conclure mon long commentaire, j’apprécie beaucoup les thèmes que Dan Pink met en avant, l’autonomie, la maîtrise et le sens. Ce sont des sujets dont on sait que, si ils sont mis en avant, concilient efficacité et éthique de travail. Il y a quelques travaux en sciences cognitives qui analysent leur effet sur le travail, qui sont cités par Pink. Mais rien dit que ce sont les seules pistes à explorer, et je pense qu’il est important qu’une approche présentée comme scientifique soit réellement fondée sur des bases scientifiques, pour que ces nouvelles approche du management ne soient pas attaquables, et qu’elle tiennent dans la durée.
Bon, maintenant, avec ce long post je vais lire ton autre post de Décembre, qui est très riche (et toujours aussi clair).
Cordialement,
Laurent