Ce livre a été écrit à partir de deux convictions fortes, que j’ai déjà exprimées mais qui méritent d’être rappelée :
- Le modèle du « management scientifique » de F. Taylor a atteint ses limites au 21e siècle et il convient de le revisiter.
- Les approches « Entreprise 2.0 » et « Lean management » sont profondément différentes, mais elles ont des points communs intéressants et constituent deux réponses à la question précédente.
Le management scientifique est une approche qui « projette l’œuvre collective » sur les individus, en s’appuyant sur les célèbres « décomposition » et « spécialisation ». J’ai déjà mentionné que cette approche se heurtait à la croissance des flux de communications qui deviennent nécessaire lorsque l’objet ou le service à produire devient complexe. Mais le point est plus général : le « management scientifique » évite le « travail en groupe » par la décomposition, et évite le travail « autonome ou créatif » en séparant la fonction « méthode » de la fonction « réalisation ».
Les points communs du lean et du 2.0 sont précisément articulés autour de ce thème et sont donc des réponses à la complexité croissante :
- Ces deux approches s’appuient sur la collaboration et le travail d’équipe, en revendiquant le besoin d’utiliser « le cerveau de tous ».
- Elles proposent des méthodes pour développer les connaissances et l’apprentissage (la capacité à acquérir des nouveaux champs de compétences, selon le principe du « double loop learning »).
- Ces deux approches privilégient le travail sur le terrain et l’analyse des signaux faibles par opposition à l’agrégation (regarder le monde au travers de synthèses et de moyennes) et le déport de l’analyse, confiée aux experts ou aux managers.
On pourrait penser que ce livre suit une trajectoire simple : montrer l’intérêt de l’Entreprise 2.0, montrer celui du lean management, et tisser quelques fils entre les deux, souligner les convergences sur les objectifs des deux approches, et démontrer que ces deux approches se renforcent mutuellement. Même si c’est, de fait, ce que contient le livre, il me semble à la réflexion qu’il y a un sens plus profond. Le sujet central, je l’ai dit plus haut, est l’augmentation de la complexité et par conséquent le besoin pour les entreprises d’apprendre à maîtriser des systèmes complexes. La réponse centrale est le besoin d’apprendre à travailler en groupe, « pour de vrai ». Pour caricaturer, la destinée de l’Homme au 21e siècle et d’apprendre à travailler « comme une fourmi » (dans le sens de la coopération et collaboration à une œuvre collective) et d’y trouver du plaisir. On retrouve cette idée dans la sublime vidéo de « Sir Ken Robinson » sur le besoin de changer le paradigme de l’éducation. Je parle beaucoup d’innovation, de créativité et de résolution de problème dans mon livre (le sous-titre est « innover par la collaboration et le lean management »), mais le propos sur la nature collective et collaborative du travail au 21e siècle est beaucoup plus général (et l’automatisation des tâches, qui n’est pas prête de s’arrêter, ne fera que renforcer ce propos).
J’ai beaucoup parlé dans ce blog de ma conviction que l’Entreprise 2.0 s’imposera car elle apporte des solutions concrètes à des problèmes « 1.0 » de flux de communication qui ne feront que s’amplifier dans le futur. Je n’y reviens pas ici, c’est une part également importante du livre, comme ma tentative pour expliquer les « principes actifs » du lean.
Ma conclusion après avoir terminé ce travail est triple :
- « Lean Entreprise 2.0 » est le nouveau modèle de l’entreprise du 21e siècle, parce que les besoins du 21e siècle (rapidité, agilité, innovation) l’exigent, et que ces besoins vont apparaître comme de plus en plus difficiles à satisfaire devant la montée de la complexité.
- La transformation vers ce nouveau modèle est une « révolution lente qui prend du temps », puisqu’elle nécessite un profond changement de culture. Il y a une échelle de maturité à respecter, et on ne peut pas brûler les étapes sans risque de « brûler les hommes ».
- C’est en revanche une approche qui donne du sens et revalorise le travail, en particulier le travail concret des opérateurs, « le travail sur le terrain ». C’est également une approche fondée sur l’apprentissage (le développement des personnes) et les relations en entre collaborateurs (ce qui réalise les personnes).