1. Introduction
Le mot « plateforme » est un buzzword que l’on retrouve partout, en particulier
dans le monde digital et dans ce blog, lorsque je parle d’écosysteme
logiciel ou de systèmes d’information. Une des difficultés
dans l’usage de concept de plateforme est que le mot recouvre des sens
multiples. Sans être exhaustif, voici différents exemples qui sont tous pertinents
dans le monde digital :
- Le concept de plateforme dans le monde logiciel est lié à l’architecture (souvent des modèles multi-couches) et la volonté de rendre modulaire et de mieux réutiliser.
- De façon similaire, le concept de « Plateforme produit » dans l’industrie est également une approche d’architecture produit permettant modularité et réutilisation. Plus précisément, l’architecture modulaire permet de combiner une standardisation énergique tout en permettant une grande variété des usages.
- La « plateforme distribution » est un outil de concentration (des moyens) et de standardisation (des interfaces).
- La notion de « plateforme d’échange » possède les mêmes fondamentaux, au service d’une communauté d’usage. La plateforme est la combinaison d’un lieu (virtuel ou physique) et d’un protocole d’interaction commun.
- La plateforme d’intermédiation est un cas particulier de plateforme d’interaction qui sert d’intermédiaire entre deux, ou plus, communautés qui utilisent la plateforme pour se trouver et pour interagir. Il y a eu une véritable explosion dans le monde digital, mais il s’agit d’un très vieux modèle, celui des marchés.
Ce
billet s’intéresse à la notion de plateforme digitale. Le monde digital est
particulièrement intéressant car il utilise le concept de plateforme sous des
angles multiples. On peut facilement identifier trois aspects. L’aspect système
voit le concept plateforme comme une façon d’organiser et de construire un
objet. L’aspect fonctionnel voit la plateforme comme un outil d’échange et de
communication. La nature des activités digitale (dématérialisées) fait qu’on
retrouve partout des échanges/communications. Pour finir, l’aspect économique
voit la plateforme comme un modèle d’affaire permettant de produire de la
valeur à partir d’une communauté et de ses échanges. La surutilisation du mot
de plateforme dans le monde digital est donc parfaitement légitime, mais
conduit facilement à une certaine confusion.
Les lecteurs de ce blog savent
que je cite souvent « The Age of the Platform – How
Amazon, Apple, Facebook and Google Have
Redefined Business » de Phil Simon. C’est un
excellent livre, très pragmatique, même s’il date un peu puisqu’il est sorti en
2011. Il définit une plateforme comme « an
extremely valuable and powerfull ecosystems that quickly and easily
scales, morphs and incorporate new features, users, customers and partners ».
Le livre met l’accent sur la flexibilité – « because consumer’s tastes change much
haster than business’taste, platrforms today must adapt very quickly or face
obsolescence » -, la scalabilité et la satisfaction de la communauté des
utilisateurs : « Today, success stems from curating many
passionate users and encouraging them to participate in innovative ways ».
Huit
ans plus tard, il n’y plus de doute sur la nécessité de penser nos systèmes en
termes de plateformes, pour profiter des différents « effets levier »
disponibles. Ceci est vrai de façon générale, mais encore plus dans le monde
digital, où les effets positifs de la « plateformisation » sont
multiples. En revanche, construire une
plateforme digitale réussie n’est pas simple. Les exemples d’échecs sont plus
nombreux que les exemples de succès, précisément parce que les effets de
réseaux font que le gagnant devient monopolistique (« winner takes all »). Il faut profiter des leçons d’expérience
des plateformes précédentes, et c’est pour cela que je vais présenter deux
ouvrages plus récents sur ce sujet.
Ce
billet est organisé comme suit. La section 2 propose une revue générale du
concept de plateforme et des effets de réseau dans l’économie, centrée sur le
livre « The Platform Revolution: How
Networked Markets Are Transforming the Economy — and How to Make Them Work for
You ». Ce livre, paru en 2016, permet d’approfondir les idées du livre
de Phil Simon. Comme le sous-titre l’annonce, il s’agit à la fois de démonter
les effets de réseaux qui conduisent au succès des plateformes et de proposer
de conseils pour construire sa propre plateforme. La section 3 poursuit avec le
livre « The Business of Platforms: Strategy in the Age of Digital Competition,
Innovation, and Power » paru en 2019. Ce livre récent est plus précis dans
l’analyse des mécanismes de réseaux et de boucles d’amorçage. Il est de plus nourri
de l’analyse de multiples exemples (avec plus de recul pour comprendre les
succès, et surtout les échecs, des plateformes les plus connues). La dernière
section revient sur le concept de plateforme digitale et sur les leçons qu’on
peut tirer des livres précédents. La plateforme digitale est un « centaure », un
système adaptatif « humain + machine » dans lequel l’équipe joue un
rôle déterminant.
2. The Platform Revolution
Je vais commencer par le livre «
The Platform Revolution: How Networked Markets Are Transforming the Economy
and How to Make Them Work for You », de Geoffrey G. Parker, Marshall W. Van Alstyne et Sangeet Paul Choudary. Je vous propose ici un
résumé des neufs points principaux du livre, mais je vous recommande sa lecture
complète. Ce rapide résumé ne rend pas justice à cet excellent livre, et mon
choix éditorial est tout à fait discutable.
1. Les
effets de réseau constituent le premier facteur de succès et d’efficacité des
plateformes. L’idée principale est simple, une plateforme est un
système qui dérive de la valeur d’une communauté, et plus celle-ci s’agrandit,
plus la valeur augmente, ce qui crée un cercle vertueux : « Network effects refers to the
impact that the number of users of a platform has on the value created for each
user. Positive network effects refers to the ability of a large, well-managed
platform community to produce significant value for each user of the platform ». Les effets vertueux peuvent être du premier ordre
(plus de fournisseurs, donc plus de valeur) mais ils peuvent avoir des renforcements
multiples. Dans le cas des
réseaux sociaux, « plus de participants » augmente à la fois la probabilité d’y
retrouver vos amis et l’intérêt des meilleurs contenus proposés par curation
automatique. Dans le cas de la plateforme Uber, la taille (de la communauté des
conducteur) permet de réduire à la fois l’attente des passagers et le temps
mort (downtime) des conducteurs et
d’augmenter l’efficacité : « Thus, less downtime means that
Uber can cut fares and stimulate even more demand, which creates a virtuous
cycle that increases coverage density still further ». Les écosystèmes de développement d’applications mobiles fournissent un
autre exemple classique de cet effet de réseau : «
A similar dynamic can be seen in
many other platform businesses. In the case of Google’s Android, app developers attract consumers, and
consumers attract app developers ».
Dans le cas
des plateformes digitales, la plateforme peut contribuer à sa propre croissance
en utilisant des méthodes de « Growth
Hacking », comme par
exemple le développement de la viralité. C’est ce qui pousse les développeurs
d’application à inclure des « éléments d’expérience partageables »,
ce que les auteurs appellent des « spreadable
value units », pour que la communauté des utilisateurs prenne un rôle
actif dans sa croissance : « So designing spreadable value units is a
crucial step toward virality ».
2. Dans de
très nombreux cas, les avantages par effet de réseaux de la plus grosse
plateforme sont tels qu’on aboutit à des monopoles. « Demand economies of scale are
driven by efficiencies in social networks, demand aggregation, app development,
and other phenomena that make bigger networks more valuable to their users ». Ce “Matthew effect »
(« winner
takes all ») condamne les plateformes à
une course à la taille, ce que nous voyons dans tous les domaines de
plateformes digitales, avec en conséquence une course aux financements et aux
investissements. C’est aussi ce qui
accentue le côté « disruptif ». Les investissements pour faire
croitre une plateforme n’ont pas d’utilité marginale, ils ne se calculent pas
avec un retour sur investissement à court terme (ROI). Ils correspondent à un
pari sur la valeur stratégique que la plateforme peut développer une fois
acquise une situation monopolistique. Cette irruption d’une nouvelle façon de
penser ses investissement – à cause des effets de réseaux – touche tous les
secteurs d’activité : « So platforms
are eating the world. The disruption they are driving is reaching businesses one industry at a
time and is likely to hit practically all information-intensive industries at
some point ». Le livre insiste sur
les marchés biface, c’est-à-dire le cas
où les plateformes jouent un rôle d’intermédiation entre deux groupes, comme pour
Uber. Nous y reviendrons avec le livre suivant qui s’intéresse encore plus aux
différents « cotés / faces » des plateformes. Ces cotés multiples ouvrent des stratégies intéressantes pour les faire
grossir de façon simultanée : « The
importance of these effects for stimulating network growth is so great that
platform businesses will often spend money to attract participants to one side
of the market ».
3. Pour développer
les effets positifs de réseaux, il est essentiel de cultiver les boucles de
retour utilisateur. On retrouve ici le
concept de CFLL (customer feedback learning loop) : « Platforms beat pipelines by using data-based tools to create community
feedback loops ». La communauté des
utilisateurs fait partie intégrante de la plateforme, elle doit être développée
et cultivée avec soin. Phil Simon, dans « The Age of the Platform » parle de «
curating passionate users », autrement dit, créer une plateforme, c’est créer
une communauté d’utilisateurs passionnés. Ces utilisateurs participent à la
qualité de la plateforme, et permettent d’améliorer le niveau des contenus,
produits ou services proposés de façon continue, en utilisant la puissance de
l’intelligence collective : « Reconfiguring quality control through
community-driven curation. When new platforms such as YouTube, Airbnb, and Wikipedia are launched,
they are often widely criticized, even ridiculed”. Pour les auteurs, un principe
fondamental de la gouvernance des plateformes est la participation des
communautés d’utilisateurs. Le marketing des plateformes part des clients, en
écoutant plutôt qu’une stratégie classique de communication vers
l’extérieur : “For starters, in the
world of platform marketing, pull strategies rather than push strategies are
most effective and important ». Une autre
caractéristique induite par les effets de réseaux, qui distingue les pratiques
tarifaires des plateformes est le fait de savoir attendre avant de facturer et
générer des revenus. Dans sa première phase de croissance, la valeur est plus
faible et il est donc logique, soit de ne pas facturer (mode gratuit pour
accélérer la croissance) ou de facturer en dessous des coûts tant que la valeur
n’est pas développée : « Or, in a
variant that we heard from the executive in charge of platform strategy for
Haier Group, a Chinese manufacturing company, “You never take first money.” In other words, only after a
value unit has been created and exchanged with results that are satisfactory to
both the producer and the consumer should the platform business itself seek to
capture a share of that value ».
4. Pour
obtenir le succès, une plateforme doit placer son attention sur l’extérieur et
offrir un accueil “sans friction » des participants. Les
auteurs parlent d’une « inversion » de focus entre l’intérieur et
l’extérieur de l’entreprise pour réussir une plateforme : « Platforms
invert the firm. Because the bulk of a platform’s value is created by its community of
users, the platform business must shift its focus from internal activities to
external activities. In the process, the firm inverts—it turns inside out, with
functions from marketing to information technology ». Cette obsession sur le point de vue
des utilisateurs de la plateforme se traduit sur l’importance apportée à
l’expérience et à la facilitation de l’usage : «
Frictionless entry is the ability
of users to quickly and easily join a platform and begin participating in the
value creation that the platform facilitates. Frictionless entry is a key
factor in enabling a platform to grow rapidly ».
Les recommandations proposées relèvent du design d’expérience client : « When
designing a platform, your first and most important job is to decide what your
core interaction will be, and then to define the participants, the value units,
and the filters to make such core interactions possible ».
5. Le
filtrage intelligent est une des compétences fondamentales des plateformes, en
conséquence le développement de l’IA nourrit la croissance des plateformes. Le
filtrage désigne ici l’algorithme qui permet de mettre en relation les
utilisateurs et les contenus, qu’il s’agisse de services, produits ou autres
utilisateurs. La pertinence d’une plateforme dépend de ses qualités de
filtrage, et d’autant plus que la plateforme croit : « The filter. The value unit is delivered to selected consumers based on filters. A
filter is an algorithmic, software-based tool used by the platform to enable
the exchange of appropriate value units between users ». Ce filtre est à la fois un acte
de sélection (« curation »)
et de proposition (« matching ») :
« When
the quality of a platform is effectively curated, users find it easy to make
matches that produce significant value for them; when curation is nonexistent
or poorly handled, users find it difficult to identify potentially valuable
matches amid a flood of worthless matches ». Comme je l’avais évoqué dans un billet precedent, la qualité du
« filtrage » est essentielle pour les plateformes de réseaux
sociaux : « Facebook’s value is based on the relevance of its news feed, and a
torrent of sponsored posts that lack such relevance could eventually drive
consumers away from the platform ». Les algorithmes de curation et de matching sont au cœur
de la création de valeur (ce qui fait dire aux
auteurs : « A second crucial
category of metric for the startup platform is matching quality ») et les
plateformes font appel – depuis 10 ans – aux développement de l’intelligence
artificielle sous toutes ses formes. Ce n’est pas par hasard si les grands
acteurs américains dans le domaine des plateformes sont tous parmi les plus gros
investisseurs dans le domaine de l’Intelligence Artificielle.
6. Une
plateforme est un système complexe qui s’adapte de façon continue à son
environnement, avec des vitesses différentiées sur le cœur et les frontières. Les
plateformes n’évitent pas la contradiction inhérente à tout système
d’information qui doit à la fois changer rapidement pour s’adapter à son
environnement et fournir la richesse de services attendus par les utilisateurs,
ce qui conduit à vouloir concilier complexité et agilité. Les auteurs reconnaissent ce dilemme et proposent de
moduler la vitesse d’évolution : « Instead, a way must be found to strike a
balance, changing the core platform only slowly while allowing positive
adaptations at the periphery ». Piloter le
changement dans la plateforme est un art. Le livre contient des conseils
multiples : « Do not promise to
not change the platform. Do promise early notice. Have skin in the game, so change bites ». Le dernier point est fondamental, le bon vieux conseil
« eat your own dogfood » est essentiel pour vivre le changement de
l’intérieur, car une plateforme est en premier lieu une « usine à
changement permanent ». Le changement ne s’arrête jamais, car l’innovation
est une condit ion nécessaire pour le développement durable de la
plateforme : « Finally, as the platform
matures and a self-sustaining business model has been developed, the challenge
of user retention and growth requires the platform to innovate ». Construire une
équipe et une structure qui permette cette adaptation continue de la plateforme
à son environnement est une rupture en termes de management. Phil Simon explique qu’il faut limiter
“la bureaucratie” à tout prix et cite Larry Page : « Speed kills and excessive bureaucracy kills speed ».
7.
Construire une plateforme consiste à gérer l’émergence : pour reprendre les
termes de Kevin Kelly, « a platform is grown, not designed ». C’est une des
idées le plus importantes du livre, je vous recommande donc une fois de plus sa
lecture. J’ai croisé depuis 10 ans beaucoup d’entreprise qui ont appliqué sans
succès une approche volontariste pour construire une plateforme en suivant un
plan stratégique. Le rôle de la communauté et de l’usage est tel dans le
développement d’une plateforme qu’il est vain de vouloir tout prévoir :
« But as we’ve seen,
platforms cannot be entirely planned; they also emerge ». On
retrouve ici une idée importante du monde digital : la croissance suit
l’usage, par renforcement. Ma métaphore préférée, lorsque j’étais responsable
du digital chez AXA, est celle des muscles qui se développent en autoréparant les
fibres cassées par l’effort. Il est également clair que, même s’il y des bonnes
pratiques, la construction d’une communauté est un art qui relève du jardinage
de l’émergence : « One of the
greatest assets any platform—indeed, any business—can have is a dedicated
community ». Les auteurs donnent l’exemple
du développement de l’AppStore de l’iPhone, qui a suivi une histoire de
croissance exceptionnelle, qui ne faisait pas partie des plans initiaux de
Steve Jobs. Pour permettre l’émergence de la communauté, il faut renoncer à une
certaine forme de contrôle.
8.
L’architecture des plateformes doit être l’objet d’une attention constante pour
favoriser la modularité. Compte-tenu de ce que nous venons de dire sur l’émergence,
l’incertitude et le besoin de flexibilité des plateformes pour s’adapter de
façon continue à leur environnement, il n’est pas surprenant de chercher à
développer la modularité : « Modularity is
a strategy for organizing complex products and processes efficiently. A modular system is composed
of units (or modules) that are designed independently but still function as an
integrated whole. Designers achieve modularity by partitioning information into
visible design rules and hidden design parameters ».
Construire une
architecture modulaire n’est pas une chose simple, c’est un sujet que j’ai
abordé plusieurs fois dans ce blog. Même s’il n’existe
pas de méthodes systématiques et efficaces, de nombreux outils, tels que les DSM , peuvent aider à
l’identification des sous-blocs modulaires : « Key among these are “design structure
matrices” that allow a visual examination of the dependencies in complex
systems ». Les auteurs insistent sur l’architecture
des plateformes parce que le mode de construction itératif et émergent n’est
pas un facteur favorable pour obtenir une architecture modulaire. On retrouve
ici le besoin constant de « refactoring »
et de « jardinage » de
l’architecture que j’ai déjà évoqué de nombreuses fois.
9. Une
plateforme est le plus souvent un outil pour attirer et fédérer des talents. L’exemple
le plus evident est celui des plateformes qui s’ouvrent pour attirer des
communautés de développeurs. Le livre donne de multiples exemples, comme
l’ouverture de l’iPhone aux développeurs, ou celui de Facebook : “When Facebook launched Facebook Platform to help developers create apps
in May 2007, the big shift began ». Le
livre est riche de nombreux exemples pour mieux comprendre ce qui fait le succès
des plateformes, ou tirer parti des erreurs des précédents célèbres. Par exemple Chris DeWolfe, un des fondateurs de Myspace, explique pourquoi
il aurait dû chercher à attire une communauté de développeurs: « We tried to create every feature in the world
and said, ‘O.K., we can do it, why should we [open up to] let a third party do
it?’ We should have picked 5 to 10 key features that we totally focused on and
let other people innovate on everything else ».
On retrouve ici l’idée exprimée (point
4) sur l’importance de tourner son regard vers l’extérieur pour attirer des
talents : « Given this basic
design, it’s axiomatic that a vibrant and healthy platform is dependent on the
value created by partners who are outside of the platform itself ».
3. The Business of Platforms
Le
deuxième livre que je me propose de commenter vient de paraître cette année. Il s’agit de « The Business of Platforms: Strategy in the Age of
Digital Competition, Innovation, and Power » de Michael A.
Cusumano, Annabelle Gawer et David B. Yoffie. Pour les auteurs, les plateformes servent à
connecter des individus et des organisations, autour d’un but commun ou afin de
permettre le partage d’une ressource commune.
L’intérêt
principal de ce livre est la richesse des exemples qu’il analyse en détail, et
je vous suggère donc de le lire. Je vais ici me contenter de souligner quelques
idées essentielles qui complémentent ce qui a déjà été dit dans la section
précédente.
1. Les auteur proposent le terme d’ « Innovation
platforms » lorsqu’un acteur organise et met à disposition un certain
nombre de ressources pour attirer une communauté. Le livre est fondé sur la décomposition des
plateformes en deux types : les plateformes d’innovation et les
plateformes de transactions. Une centaine de cas ont été analysés et décomposés
dans ces deux catégories, dont l’intersection n’est pas vide : certaines
plateformes, qualifiée d’hybrides, combinent les deux approches. Construire une
plateforme d’innovation est nécessairement ambitieux, il s’agit de mettre à la
disposition d’une communauté des ressources et un espace de partage :
« Innovation
platforms usually create value by facilitating the development of new
complementary products and services, sometimes built by the platform owner but
mostly by third-party firms, usually without supplier contracts ». Le livre donne de nombreux exemples
comme iOS and Android, GE Predix, Force.com, AWS ou Azure, WeChat, IBM Watson,
etc. Le monde du logiciel est rempli de ce type de plateforme, depuis les
systèmes d’exploitation jusqu’au logiciels open-source. Pour qu’une plateforme
d’innovation fonctionne, il faut que ce qui est mis à la disposition de la communauté,
qu’il s’agisse de logiciel, de services ou de données, soit à la fois attractif
et compétitif. Cela permet alors à la plateforme de produire de la valeur :
« Most successful innovation
platforms generate profit in one of two ways: (1) They increase their
customers’ willingness to pay for the platform itself, such as by adding new
features and encouraging third parties to create complementary products and
services that enhance the value of the platform. Or (2) they capture value as a
portion of the sale of every complementary product or service sold for the
platform, including complements they build themselves ». On retrouve un exemple de plateforme
d’innovation dans « The Age of the
Platform », avec l’approche de P&G : la plateforme « Connect+Develop »
qui permet à n’importe qui de consulter une liste ouverte de besoins de l’entreprise
et de soumettre des innovations. Ce concept n’est pas forcément un concept
numérique, il existe de multiples exemples plus anciens : « Mattel, for instance, introduced the Barbie
doll in 1959. Over the
years, the company faced competition on many fronts, but it evolved the Barbie
product into an innovation platform ». Dans le monde numérique, un exemple
passionnant est fourni par Windows. Les auteurs expliquent comment Bill Gates
s’est distingué de ses concurrents précisément en « pensant
plateforme » : « Gates
realized there would be more than one “side” to this new market. His goal was not to maximize profits from the sale of
DOS to IBM as a stand-alone product. Instead, the strategy was to make the
operating system into an industry-wide platform—a foundation that many
companies could use to build personal computers and compatible software
applications ».
2. Les
plateformes de transaction se distinguent des précédentes parce que les unités
de valeur sont apportées par un des « cotés » et non pas le
propriétaire de la plateforme. On
trouve dans cette catégorie des exemples célèbres comme Uber, AirBnB, Upworks, LinkedIn,
Alibaba, Facebook, Amazon (marketplace), Lending Club ou Trip Advisor. La
notion de « coté » (sides) est essentielle : il s’agit des
différentes communautés associées à différents rôles : fournisseurs de
service, consommateurs, fournisseurs de publicité, fournisseurs de contenus ou
de conseils, etc. Une plateforme de transaction a pour but, comme son nom
l’indique, à créer de la valeur en augmentant le nombre de transactions :
« Transaction platforms tend to
offer value to their various sides and ultimately generate profit in five ways:
(1) matchmaking, (2) reducing friction in transactions, (3) complementary
services, (4) complementary technology sales, and (5) advertising ». Un rôle essentiel de la plateforme est de
réduire la « friction », c’est-à-dire l’effort pour réaliser une
transaction. Si l’on se rappelle qu’une des définitions du design est
« d’augmenter le plaisir et de réduire la friction », il n’est pas
surprenant que le design d’expérience joue un rôle fondamental dans le succès
des plateformes. Le type le plus classique des plateformes de transaction est
la plateforme à « deux côtés » (biface), de type Uber, qui met en relation des
fournisseurs de services et des clients. Le livre engage à regarder de façon
plus large et identifier d’autres « cotés », des acteurs qui
complémentent la transaction en ajoutant à la valeur. Les « complements »
peuvent participer à la notoriété (medias et autre réseaux sociaux), faciliter
la transaction (apporter des informations et contenus) ou enrichir le
service : « Complementors often
need technical and financial support from the platform owner. An important challenge for some platforms, especially
new platforms, is the difficulty of identifying precisely which complementors
to support ».
3. les
“plateformes produit” correspondent à un autre sens du mot plateforme, qui crée
de la valeur pour un seul « côté ». Les
auteurs parlent brièvement des plateformes produit, rendues célèbres par le
monde de l’automobile puis de l’aviation. La plateforme produit est une architecture de produit qui vise à concilier
la standardisation et la diversité : « Companies create product platforms—common components and subsystems that
different engineering groups within the firm and its supply chain (such as
automakers or aircraft manufacturers) can use to build “families” of related
products more efficiently than building each product from scratch ». Dans l’aéronautique on mesure la performance
d’une plateforme comme le produit du nombre de produits qu’on peut produire
tout en maximisant le pourcentage de pièces communes. On retrouve l’importance
de ma modularité de l’architecture mentionnée plus haut, souvent représentée
par la métaphore de la boite de lego. L’instanciation d’une plateforme en un
produit est une combinaison de sélection, de paramétrage et de réassemblage de
composants modulaires. Une plateforme produit dans l’industrie est une
« usine à produit » tout comme une plateforme logicielle est une
usine à service. Le sens de « plateforme » dans « plateforme
produit » est différent de la paire « plateforme d’innovation /
plateforme d’interaction » puisqu’il n’est pas lié à la notion de
communauté (en dehors de celle qui crée la plateforme) mais il y a un
recouvrement dans le domaine logiciel et numérique, puisque les plateformes
d’échanges sont souvent conçues comme des plateformes produit, pour obtenir la
flexibilité et l’adaptabilité que nous avons décrites sans la section précédente.
4. Les « effets de réseau » sont au cœur de
l’efficacité des plateformes et expliquent pourquoi l’approche
« plateforme » est souvent plus efficace qu’une approche
« produit ». Les auteurs donnent plusieurs exemples classiques dans
lesquels d’excellents produits se sont fait dominer par des concurrents qui
avaient construit des plateformes plus puissantes : « Why did an
excellent product, backed by the largest cell phone manufacturer in the world,
fail so miserably? The answer is
that platform competition is fundamentally different from product competition.
As we have said before, in a platform market, it is the best platform, and not
the best product, that usually wins ». Bill Gates est crédité d’avoir eu très tôt une
stratégie de plateforme qui lui a permis de devenir l’acteur dominant de son
industrie : « Microsoft was
thinking platforms. IBM and Apple
were thinking products ». La raison principale de la domination des
plateformes vient des « effets réseaux » que nous avons vu plus haut :
« What are commonly called “network
effects” are positive feedback loops that come from connecting different users
and market participants to each other ».
Comme nous le verrons plus loin, construire une plateforme n’est pas
simple et le succès n’est pas assuré, mais lorsque cela fonctionne, c’est un
outil remarquable de création de valeur par levier : « A platform strategy should prevail over a
stand-alone product strategy when (1) there are opportunities to tap the
innovation capabilities of outside firms to enhance value; and (2) it is more
economical to enable transactions rather than to own assets and deliver
products or services directly ».
5. Une des
clés de la réussite est comment résoudre le problème de « la poule et
l’œuf », autrement dit comment « bootstraper » la platforme pour
atteindre la masse critique sur l’ensemble des côtés. Le
problème de toutes les plateformes à leur début est que la valeur tirée des
communautés n’est pas encore développée. C’est évident dans le cas des
plateformes à deux côtés : il y a peu de raisons pour des vendeurs
d’adhérer s’il y a peu de clients, et peu de raisons pour des clients
d’utiliser la plateforme tant que l’offre est faible : « in order to link
multiple market players and get the network effects started, industry platforms
all must solve a chicken-or-egg problem ».
Un des intérêts de ce livre est de recenser les différentes façons de résoudre
ce problème d’amorçage : acheter les premiers participants (vendeurs),
offrir les services de façon gratuite, trouver des autres communautés pour
amorcer en combinant les services de la plateformes et d’autres services
établis. Les plateformes en développement ont deux obsessions : croitre
rapidement pour que les effets de réseaux multiplient leur valeur, et le faire
plus rapidement que leurs concurrents à cause de l’effet « winner takes
all ». Pour cela elles disposent aussi de différentes tactiques pour
combattre le « multi homing » qui se produit lorsqu’un client ou un
fournisseur utilisent plusieurs plateformes semblables. Les plateformes
dominantes peuvent se protéger en récompensant la fidélité d’un côté ou de
l’autre de l’intermédiation, en absorbant les usages les plus différenciants de
leurs concurrents, et lorsque cela ne suffit pas en faisant l’acquisition de
ces concurrents : « To control
some of the revenues associated with multi-homing was at least one reason why
Zuckerberg acquired Instagram in 2012 for $1 billion (considered a large sum at
the time) and later used it to compete with Snapchat ».
6. Pour
réussir sa plateforme, il est essential de rechercher la simplicité, d’être
concentré sur la satisfaction client et de savoir utiliser la technologie. La
simplicité est une caractéristique fondamentale pour deux raisons, parce
qu’elle se traduit sur l’expérience client (au sens large, pour tous les cotés
de la plateforme) et qu’elle réduit la friction, et parce que la simplicité est
nécessaire pour conserver la scalabilité et l’agilité – il faut se rappeler de
l’émergence des plateformes. Une des plus grandes leçons des géants du Web est que
seuls les systèmes simples sont véritablement scalables. Les auteurs montrent
que l’absence de simplicité se retrouve souvent dans les plateformes qui ont
échoué : « Some firms are overly ambitious and try to
connect too many sides too early in their development. The result is often an overly complicated platform,
which does not scale ».
Comme cela a été dit dans le livre précédent,
l’expérience client et la satisfaction des utilisateurs sont déterminantes dans
le succès des plateformes. Les auteurs prennent l’exemple de Taobao contre eBay
en Chine : « User satisfaction was also higher for Taobao
than for eBay—77 percent to 62 percent … For example, eBay integrated EachNet into its global platform and global
brand identity, reproducing the look and feel of eBay’s website and eliminating
localized features popular with Chinese consumers ». Pour mieux comprendre comment AliBaba a
surpassé eBay en Chine, je vous recommande vigoureusement la lecture de
l’excellent livre de Duncan Clark : « Alibaba – The house that Jack
Ma built ». Dans son livre « The Age of the Platform »,
Phil Simon cite Amazon comme exemple d’une « expérience client élégante »
lors de la mise en place de l’achat en un clic. La technologie joue un rôle
essentiel dans la pertinence de la plateforme, comme nous l’avons vu dans la
section précédente lorsque nous avons parlé de filtrage. La capacité à faire
des recommandations est un avantage compétitif dont la valeur augmente avec la
taille de la plateforme : « One
estimate is that 40 percent of Amazon’s sales today come through its
recommendation engine ». La maîtrise
de la technologie se manifeste également dans la capacité à mettre en place des
processus CICD (Continuous
Integration and Continuous Delivery ) de type DevOps.
Le livre cite plusieurs exemples dans lequel la rapidité du cycle de release
joue un rôle clé dans l’adaptation permanente de la plateforme à son
environnement : « Chrome’s rapid
development cycle—it released its seventeenth major version in early 2012, at
which time IE was on version 9 and Firefox stood at version 10, despite their
much longer life spans—meant that new features and fixes were available sooner
».
7. Construire
une plateforme avec succès est difficile, et le plus souvent un échec. Tout ce
qu’on vient de dire, sur la notion d’émergence des communautés, sur la
difficulté à boostraper, sur la dynamique de marché qui conduit vite au
monopole, etc. fait qu’il y a beaucoup d’appelés pour peu d’élus. Parmi tous
les éléments d’une stratégie digitale, construire une plateforme en partant de
rien est une des tâches les plus risquées : « In particular,
the path to success for a platform company is by no means easy or guaranteed, …
Many gig-economy
platforms collapsed within two to three years because they did not have enough
users and ran out of funding ». Les auteurs ont fait un travail considérable
d’analyse des échecs de certaines plateformes ces dernières années et proposent
le résultat suivant : « We
focus on four common mistakes that lead platforms to fail as businesses: (1)
mispricing on one side of the market, (2) failure to develop trust with users
and partners, (3) prematurely dismissing the competition, and (4) entering too
late ». Les deux types de
strategies de plateforme ne sont pas identiques du point de vue de la
difficulté. Construire une plateforme d’innovation nécessite de construire et
mettre à disposition une quantité importante de valeur, tandis que la valeur
d’une plateforme d’interaction vient de l’extérieur : « More often, innovation platforms are very
expensive and risky to build from scratch (such as to create a new mass-market
operating system or cloud-computing infrastructure). About 60 to 70 percent of start-up firms and
billion-dollar unicorns were transaction platforms. Why? It seems easier and
cheaper for entrepreneurs to create transaction platforms because they are
relatively simple to build on a technical level and they can provide value in
many different markets, … Innovation
platforms, by contrast, require the creation of a core technology that can
serve as a foundation for other firms to build complementary products and
services ». Cette analyse est étayée par
les statistiques que l’on retrouve dans les appendices: « First, as shown in Appendix tables 4-1 and
4-2, the most obvious pattern is the predominance of failed transaction
platforms, representing nearly 85 percent of the sample. Transaction platforms
have a somewhat shorter life as well, averaging 4.6 years, compared to 7.4 and
5 years for the hybrid and innovation platforms we identified, respectively
».
8. Le rôle
de la confiance et de l’équité est fondamental pour développer ses communautés.
Je
vais faire ici un résumé très rapide mais le livre insiste beaucoup sur la
« responsabilité sociétale » des plateformes et sur le besoin
d’anticiper les problèmes éventuels avant de se retrouver en situation
d’investigation de la part des régulateurs : « we believe that
platforms should preemptively self-regulate and reduce the likelihood that
governments will intervene and alter the playing field in ways that are not
good for them, ecosystem partners, or consumers ».
Cette position « éthique » a pour but de préserver le « capital
confiance » qui est essentiel pour le bon fonctionnement des
plateformes : « Balance Openness with Trust: Privacy,
Fairness, and Fraud (detection) … it is
important to put trust front and center. Virtually all platforms require trust
because they are intermediaries linking users and other market participants
that generally have no personal interactions or relationships ». La notion d’équité (fairness) est
fondamentale pour que chaque « coté » se développe harmonieusement.
Il est malheureusement facile de formuler des règles d’allocation qui ont des
effets négatifs qui ne se voient pas forcément. Le livre donne plusieurs
exemples appliqués à Uber qui montrent qu’il faut se poser cette question de
l’équité d’accès à la plateforme de façon constante. Il convient de souligner
l’importance du modèle d’affaire dans le succès d’une plateforme. L’équation de
distribution de la valeur fait partie du cœur de la plateforme. Prenons le cas
d’Uber, l’idée géniale est d’avoir intégré la satisfaction client, mesurée par
le double rating chauffeur-passager, dans l’algorithme qui distribue les
tâches : plus le rating d’un chauffeur est élevé, plus Uber lui propose de
courses. Le point fixe de ce système évolutionnaire favorise systématiquement la
satisfaction client, et élimine mécaniquement les outliers, qu’il s’agisse de clients ou de chauffeurs.
9. Pour
finir, le choix le plus difficile est le traditionnel « Make or Buy ».
Une
partie importante de la fin du livre est consacré au cas de la plateforme Predix de GE. Ce cas est particulièrement intéressant
parce que GE a fait un choix stratégique majeur et difficile, et a essayé
plusieurs approches de façon successive. L’engagement de GE a été très
important car le marché futur était évalué comme majeur : « On the positive
side, the opportunity was huge. GE estimated
that the market for an industrial Internet platform and applications could
reach $225 billion by 2020 ». GE a
commencé avec l’ambition de construire sa propre plateforme, en s’alliant avec
Pivotal Cloud Foundry. Puis l’équipe a
changé de stratégie, devant les
difficultés pour tenir ses engagements, en utilisant les grands fournisseurs
d’infrastructure de cloud : « By late 2016, GE had reversed course: It abandoned its own cloud
infrastructure in favor of running Predix on top of Amazon’s AWS and
Microsoft’s Azure clouds ».Les auteurs
ont un avis très nuancé sur Predix, ils considèrent que c’était une très bonne
décision stratégique, une bon positionnement – « Predix had all the resources provided by a typical innovation platform:
documentation, guides, training, APIs, a virtual machine preconfigured for
developing with Predix, and a machine data simulator » et qu’il est
trop tôt pour conclure sur l’exécution, même si l’on peut tirer des leçons des
difficultés que GE a rencontrées : « Maybe even more important, few successful platforms have begun with
such grandiose ambitions, and GE may have fallen into the trap of overreaching
». Ils
insistent sur l’importance du management et de la culture digitale qui doit
être mise en place : « The skills to manage a platform can be antithetical to
managing an old command-and-control organization ».
4. Plateformes Digitales et Centaures
Je vais
conclure ce billet en revenant au thème des plateformes dans le monde digital.
Comme cela a été évoqué en introduction, le concept de plateforme est
particulièrement pertinent dans le contexte digital dans trois dimensions. Une
plateforme digitale est d’un point de vue logiciel, une plateforme produit
modulaire et recomposable, pour s’adapter au changement permanant, celui des
usages clients comme celui de la technologie – intelligence artificielle et machine
learning étant deux illustrations. Comme l’explique Anjhul Bhambhri dans
« A platform economy is key when building your modern enterprise technology
architecture », une architecture de plateforme produit est nécessaire pour
produire la meilleure expérience client possible. Deuxièmement, une plateforme
digitale est une plateforme d’innovation, interne ou étendue à un écosystème
externe pour fédérer les énergies autour d’un projet commun et attirer des
innovateurs. Pour finir, une plateforme digitale est souvent une plateforme de
transaction, c’est en fait une « usine à business model » qui permet
de faire émerger le meilleur modèle d’affaire pour créer de la valeur à partir
de flux d’échanges. La plateforme digitale est
clairement, dans la très grande majorité des cas, une plateforme d’échange,
multi-faces, définie par des API. Comme l’écrit William Hurley cité par Phil Simon :
« Often people don’t understand the importance of open APIs. They think
that it is just a technical thing, but it is only part of the story. Yes API
speed up the development and integration … it’s not about the code. It’s about
the community ».
En tant que
système d’information, une plateforme digitale est une « usines à
service », c’est une approche technologique pour gérer un « taux de
changement » très élevé, c’est-à-dire produire des services qui changent
constamment à partir d’éléments modulaires plus stables. Tout comme pour
l’automobile, l’approche plateforme permet de concilier les économies de la
standardisation avec la flexibilité de la paramétrisation et de la
recomposition. L’architecture d’une plateforme digitale moderne est conçue pour
tirer le meilleur parti des technologies disponible afin d’offrir scalabilité
(cf. 2e section), robustesse et performance (faibles temps de
latences). Elle doit également permettre de s’adapter à des exigences
technologiques externes (cf. 3e section) de simplicité, modernité
des protocoles et des échanges et respect de la culture digitale (API / open
source / usages).
Si
l’on prend un peu de recul, une plateforme digitale est un système émergent,
adaptatif et hybride « humain et machines ». Il n’existe pas de
plateforme sans équipe, c’est pour cela que je parle volontiers de
« centaure », comme dans le cas des équipes hybrides dans
les compétitions d’échec.
La
plateforme comme système émergent adaptatif centaure (human + machine). Le lien qui lie l’équipe et la plateforme est
très fort (cela se devine à travers tout ce qui a été dit sur la flexibilité,
la technologie, le changement et la culture). Dans un de mes jobs précédents,
je m’étais interdit de participer à des réunions où l’on parle de plateforme
sur Powerpoint sans équipe identifiée. C’est cette collaboration entre le
système technique et l’équipe qui donner la flexibilité et qui produit
l’émergence du système global. La plateforme permet l’innovation en continu,
sur les flux et systèmes de production, ce qui justifie l’importance et la
popularité des approche DevOps. Cette synergie « système +
équipe » s’explique également parce que la plateforme est outil de travail
et de collaboration. Dans le même article, Anjul Bhambri
déclare : « A platform
facilitates collaboration across the enterprise, allowing data engineers, data
scientists, IT, business analysts, citizen analysts and stakeholders to work on
the data at the level they need»