vendredi, mars 31, 2023

Expliciter les modèles mentaux de notre réaction au réchauffement climatique


 

1. Introduction

Je travaille depuis maintenant 20 ans sur GTES (Game Theoretical and Evolutionary Simlulation). L’approche GTES est conçue pour étudier des modèles à travers la simulation. Combinant trois techniques, GTES utilise la simulation par échantillonnage de type Monte-Carlo, la recherche d'équilibre de Nash et l’optimisation par recherche locale. L’approche GTES s'applique aux problèmes pour lesquels un modèle est conjecturé, mais avec trop de paramètres inconnus pour être véritablement utile dans une simulation directe. GTES sépare ces paramètres inconnus en trois familles : les paramètres liés à l'environnement, les paramètres représentant la fonction objectif (c'est-à-dire la stratégie des acteurs) et les paramètres tactiques attribués à chaque acteur. GTES partage des similitudes avec le cadre "System Dynamics", qui se concentre sur un modèle en tant que réseau de relations entre des variables clés d'un système. À l'inverse, GTES utilise la recherche locale et la randomisation pour "secouer" le modèle mathématique sous-jacent lors de la simulation, rendant le réglage du modèle plus exigeant que la production d'une « simple » simulation.

Après avoir appliqué GTES à des simulations de compétition sur des marchés télécom, puis à l’optimisation du commissionnement, à la simulation des « smart grids » et à l’optimisation des canaux de communication dans l’entreprise, j’ai commencé en 2008 un projet « Global Warming Dynamic Games » autour de la « boucle retour du réchauffement climatique », c’est-à-dire la modélisation des différentes réactions politiques et sociétales lorsque la température de la terre augmente suite aux émissions de gaz à effets de serre. Avant de pouvoir appliquer GTES pour produire un « serious game », la première étape est de réaliser un modèle global « terrestre » : énergie/économie/climat. Dans le contexte de ce billet, les modèles terrestres sont ce que William Nordhaus appelle IAM (Integrated-Assessment Models), qui décrivent la Terre en tant que système complexe intégrant les dimensions économiques, énergétiques et écologiques. Le modèle le plus célèbre est le DICE, mais il en existe de nombreux autres similaires, tels que GCAM et IGSM. Le modèle IGSM du MIT est une combinaison de modèles complexes, tels que EPPA et le modèle "système terrestre". CCEM, que je vais décrire ici, utilise une abstraction simplifiée du GIEC en tant que modèle "système terrestre" et se compare particulièrement bien avec la composante EPPA. Plusieurs modèles ultérieurs ont conservé la structure du DICE, mais ont cherché à fournir une représentation plus "réaliste" des dommages causés par le réchauffement climatique. Le point le plus controversé concerne principalement la composante des dommages du modèle DICE, qui sous-estime les conséquences du réchauffement climatique décrites par le GIEC. Par exemple, Hänsel et al. (2020) proposent de mettre à jour DICE avec une évaluation plus actuelle des dommages dus au réchauffement climatique. Un autre modèle intéressant est ACCL, qui présente une structure similaire au DICE, mais est basé sur une simulation temporelle utilisant des équations différentielles calibrées par régression linéaire des données passées.

Il y a deux ans, j’ai décidé de revenir sur ce projet GWDG, après une dizaine d’années d’interruption, ce qui m’a permis de faire un certain nombre de constatations :

  • L’évaluation des réserves d’énergie fossile a bien changé entre 2010 et 2020. Lorsque j’ai commencé en 2008, les réserves de pétrole et de gaz, pour un prix d’extraction « raisonnable » étaient respectivement de 193 Gtep et 160Gtep. En 2020, elles sont de 242Gtep et 185Gtep, alors qu’une quantité importante a été consommée (la valeur des réserves 2010 connues en 2020 est nettement supérieure à ce que nous pensions en 2010). C’est en premier lieu les estimations de pétrole et gaz non conventionnels qui ont augmentées.
  • En conséquence, le prix de l’énergie a fortement baissé pendant la dernière décennie, en particulier pour le gaz. Lorsque le prix a récemment fortement augmenté par suite du début de la guerre en Ukraine, il est revenu à sa valeur de 2010, après avoir baissé d’un facteur 4 (regardez la courbe sur 20 ans, elle est édifiante).
  • En conséquence (probable), la consommation d’énergie fossile a continué à s’accroitre fortement pendant la décennie 2010. La production d’énergie primaire est passée de 152 000 TWh en 2010 (environ 13 GTep) à 174 000 TWh en 2020 = (14,9 GTep). La consommation de charbon qui avait fortement augmenté de 2000 à 2010 commence à se stabiliser, sous le leadership des Etats-Unis, mais les progrès des uns sont compensés par l’augmentation de consommation des autres.
  • La part de l’électricité reste faible, et la part de l’électricité «non-fossile » reste également faible. La production d’électricité représente 26800 TWh en 2020 (soit 15,4% de l’énergie, tout le reste étant de l’énergie fossile). Sur cette production d’électricité, la part non-fossile (nucléaire et renouvelable) est passée de 35% à 39% en 2020.
  • Non seulement la quantité d’émission de CO2 a augmenté depuis 10 ans, passant de 33Gt en 2010 à 37Gt (en 2019/2021), mais la part des autres gaz à effet de serre ne fait qu’augmenter en proportion. Si l’on regarde les émissions de GES/GHG en équivalent CO2, on est passé de 44Gt à 50 Gt(CO2eq). Il faut noter que le calcul des GHG est assez technique, selon que l’on prend en compte LULUCF (Land Use, Land-Use Change Factors) ou non, ce qui peut porter le total à 58Gt en 2020 (avec LULUCF).

L’objectif de ce billet de blog est de partager quelques idées clés du modèle CCEM (Coupling Coarse Earth Models), qui est en cours de développement et qui va servir de fondation pour construire le « serious game » de GWDG. Le premier objectif de ce macro-modèle (« coarse » = grossier, approché) est de pouvoir représenter des analyses et des points de vue différents, avec le même cadre d’analyse. Il est logique d’être inquiet devant les chiffres qui viennent d’être rappelés, et il est donc intéressant de comprendre pourquoi il existe une grande variété d’analyse sur ce qui va se passer d’ici la fin du siècle. L’hypothèse de travail ici est que nous avons tous des « modèles mentaux » et de croyances différentes, ce qui conduit, avec les mêmes raisonnements et la même bonne foi, à déduire des recommandations radicalement différentes. Le deuxième objectif est de modéliser pour comprendre quelles peuvent être les réactions sociétales et politiques face aux conséquences catastrophiques du réchauffement qui se dessine. Il ne s’agit pas d’éviter de « prendre le mur », il y a des multitudes de murs et pour une bonne partie, c’est déjà fait : nous avons changé de monde, c’est le concept même de l’Anthropocène . En revanche, il n’est pas réaliste de penser que nous allons suivre une « roadmap » de transition écologique (car le futur est beaucoup trop incertain), ni que nous allons souffrir sans rien faire. A chaque catastrophe, à chaque mur, des « redirections », des bifurcations sont possibles. Très modestement, et de façon très préliminaire, CCEM essaye d’enrichir la famille des modèles énergie/économie/climat avec une forme de redirection.

Ce billet introductif est organisé comme suit. La section 2 s’intéresse, en reprenant les termes de Donald Rumsfeld en 2020, aux « known unknows », c’est-à-dire les aspects du modèle global qui sont compris mais incertains. Les exemples cités plus haut montrent que la production et la consommation d’énergie dans le futur sont des « known unknowns ». Bien sûr, il y a aussi les « unknown unknowns », qui font qu’il faut prendre tout effort de modélisation avec beaucoup de prudence et de recul. Il ne s’agit en aucun cas d’essayer de prédire, mais de tester ses propres modèles mentaux pour les raffiner. Dans CCEM, ces « known unknowns » sont explicités sous le terme de « croyances » (beliefs). Et, cela va mieux en le disant, les résultats du rapport du GIEC ne font pas partie de ces croyances. CCEM est construit au-dessus des enseignements du GIEC, comme nous le verrons dans la Figure 2.  La section 3 revient sur la redirection écologique et sa possible modélisation, grossière et incomplète, dans CCEM.  La redirection s’inscrit dans un principe d’homéostasie, cher aux lecteurs de ce blog, selon lequel le bouleversement du monde signifié par l’Anthropocène va conduire l’humanité à une série de tentatives successives d’adaptation, dont l’avenir nous dira le succès. CCEM représente une double boucle de « feedback » de la température sur le système terre : une boucle physique de destruction de capacité (qui, si elle reste incertaine est facile à comprendre et à modéliser, et que l’on retrouve dans les autres modèles IAM) et une boucle de rétroaction politique et sociétale, qui ouvre le champ des émotions et de la psychologie. La dernière section est une présentation succincte de CCEM, construit à partir du couplage de 5 modèles élémentaires. Nous donnerons un exemple type de résultat d’une simulation CCEM, à titre purement illustratif (par construction, toute simulation reflète les biais de celui qui utilise l’outil), présenté au travers de l’identité de Kaya. Notons que l’objectif à long terme de CCEM est de fournir la matière à une approche GTES pour réaliser un jeu sérieux sur le réchauffement climatique, mais CCEM a un intérêt propre comme une architecture modulaire de couplage de modèles.

Ce billet de blog est co-écrit avec GPT4, en utilisant l’article « CCEM : An Earth-Model for Capturing Beliefs about the Known Unknowns related to Global Warming », disponible auprès de l’auteur sur demande. Si vous êtes curieux, vous pourrez trouver une présentation de CCEM sur Slideshare. J’ai volontairement laissé de côté les détails techniques, tels que les équations des modèles ou les algorithmes.

 
2. Les « Known unknows » du réchauffement climatiques

En travaillant la bibliographie du sujet depuis de nombreuses années, j’ai été surpris de voir la variété des opinions, parmi des scientifiques et des intellectuels qui sont très bien informés, pour qui j’ai beaucoup de considération et qui s’appuient tous sur les résultats rassemblés dans les rapports du GIEC. Je ne vais pas donner de noms ici, puisque la modélisation que j’ai faite est par construction une grosse simplification qui dénaturerait les propos dont je m’inspire, mais j’ai rassemblé trois narratifs – qui sont très largement diffusés et bien représentés dans la littérature et sur le Web sous la forme de trois scénarios :

  • Le scénario "Energy Rich" est une tentative de reproduire certains des résultats des premières simulations DICE, en utilisant l'optimisation paramétrique pour évaluer les meilleures taxes sur le CO2 afin d'optimiser la production du PIB. L'aspect le plus intéressant est que, pour obtenir ce type de trajectoire, nous devons donner un accès complet à suffisamment de pétrole et de gaz non conventionnels, afin d'obtenir en même temps une production de PIB élevée et, par conséquent, des émissions de CO2 également élevées, aboutissant au réchauffement climatique de +3°C mentionné dans l'introduction.
  • Le scénario "Stick to Paris Agreement" est une tentative de rester aussi proche que possible du réchauffement climatique de +1,5°C, en forçant une transition accélérée vers les économies d'énergie et la transition énergétique grâce à une taxation agressive du CO2. La production d'énergie est considérablement réduite, ce qui est le seul moyen de réduire les émissions de CO2 au niveau souhaité. Par conséquent, la production économique est également significativement réduite par rapport aux autres scénarios. Ce scénario est motivé par la conviction que les conséquences d’un réchauffement à +3C, telles que décrites par le rapport du GIEC, auront un impact sur l’économie beaucoup plus fort que ce qui supposé dans le scénario précédent.
  • Le troisième scénario "Exponential Technologies" est une tentative de reproduire la réflexion de certains penseurs associés à Singularity University. Dans ce scénario, le réchauffement climatique est autorisé à croître plus rapidement que l'Accord de Paris avant 2050, mais les progrès technologiques qui s'amplifient à partir de 2040 soutiennent un meilleur équilibre de l'énergie propre (plus abondante, à moindre coût) et les économies d'énergie et la transition s'accélèrent, ce qui se traduit par une seconde moitié du siècle avec des émissions modérées par rapport au premier scénario.

Lorsqu’on cherche à réaliser un modèle énergie/économie/climat pour faire des simulations, ce que William Nordhaus  désigne par IAM (Integrated Assessment Model), on assemble un certain nombre de modèle causaux (par exemple, ce que nous utilisons du rapport du GIEC), des faits connus (sur l’énergie, sur l’économie) et un certain nombre d’hypothèses pour le futur. Comme ces hypothèses sont structurées et s’intègrent dans un modèle de simulation, elles correspondent à des «knowns » de notre modèle mental, mais comme le futur est incertain ce sont des « known unknowns ».  Dans le cadre de CCEM, nous avons identifié (au moins) cinq "known unknowns" :

  • Combien d'énergie sera disponible à l'avenir ? À quels coûts ? Cette question est bien connue pour les combustibles fossiles et est liée aux estimation des gisements accessibles. Par exemple, l'introduction du pétrole et du gaz de schiste a changé notre perspective entre 2000 et aujourd'hui. D'un autre côté, le coût d'extraction des ressources futures est difficile à prévoir. Cette question s'applique également aux sources d'énergie renouvelables et propres. Nous avons maintenant une meilleure compréhension de l'évolution des coûts (bien que cela fasse l'objet de débats), mais notre capacité à exécuter, depuis les ressources matérielles comme les métaux pour les éoliennes, jusqu’aux aux capacités de fabrication, signifie que le rythme auquel nous pouvons déployer ces capacité de production d'énergie verte est une "inconnue connue".
  • Combien d'énergie est nécessaire et abordable pour l'économie à un coût donné ? L'intensité énergétique (quantité de Watt.heure pour produire un dollar de PIB) diminue, mais il est difficile de voir à quelle vitesse ou combien de temps cette tendance durera. Si l'énergie devient rare (et/ou trop chère), quelles activités s'adapteront (parce qu'elles créent suffisamment de valeur pour se permettre une énergie plus chère) et lesquelles devront s'arrêter ? La "question brûlante" du besoin de subventions énergétiques - lorsque un gouvernement aide certaines activités humaines à avoir accès à un prix de l'énergie plus bas - fait partie de ce deuxième enjeu.
  • À quelle vitesse pouvons-nous substituer une forme d'énergie primaire à une autre ? Un facteur clé pour gérer le réchauffement climatique est d'accélérer la transition vers des sources d'énergie propres. La première question abordait notre capacité à produire cette énergie propre, cette troisième question aborde la capacité à passer d'une forme à une autre, car toutes les sources ne sont pas équivalentes en raison de la densité énergétique, de la mobilité, de l'intermittence, etc.
  • Quelle croissance du PIB peut-on attendre des investissements, de la technologie, de l'énergie et de la main-d'œuvre ? La plupart des modèles intégrés énergie/économie/climat sont basés sur un "moteur de croissance économique" implicite, qui est ensuite ajusté pour refléter le manque d'énergie ou la perte de capacités productives. Ce que serait la trajectoire de croissance économique sans ces entraves est une "inconnue connue" (principalement, le "taux de croissance naturel"). Il est facile de calibrer ce taux à partir de ce qui a été observé au cours des dernières décennies, mais cela relève surtout d'un acte de foi.
  • Quelles seront les conséquences économiques et sociétales du réchauffement climatique mondial prédit par le GIEC ? Il y a de nombreuses inconnues ici. Tout d'abord, la quantité de perte de capacités productives due aux impacts du réchauffement climatique est un sujet de débat, comme le montre la section précédente (c'est le facteur le plus différenciant de tous les modèles dérivés de DICE qui ont été publiés au cours de la dernière décennie). Deuxièmement, compte tenu de la nature catastrophique de l'impact, il y a de nombreux autres impacts indirects qui s'ajouteront aux pertes de capacité. Si la température augmente de plus de +2°C, la peur et la douleur pourraient créer toutes sortes de bifurcations à partir du "chemin modélisé".

Ce groupe de 5 «questions » permet d’identifier et de représenter ce qui est différent dans les narratifs précédemment évoqués . La figure suivante montre trois simulations effectuées avec des ensembles de « beliefs » qui représentent les trois scénarios. A chaque fois, il s’agit du même modèle (CCEM), avec un paramétrage différent sur ces « beliefs ». De façon traditionnelle dans le monde des IAM, la simulation produit une trajection du PIB (mondial, en dollars courants), de la production d’énergie mondiale (en Exa joules), de l’émission du CO2 et de l’augmentation de la température (moyenne mondiale) résultante. Le modèle CCEM calcule le CO2 à partir de l’économie et l’énergie produite, les autres GES ne sont pas calculés mais rentrent en compte dans la dépendance « CO2 -> température » qui s’appuie sur le rapport 2021 du GIEC et intègre les boucles « CO2 -> méthane -> température ».

 


Figure 1 : Simulation de trois groupes de « croyances »


Les résultats de cette figure sont purement illustratifs, et ne sont pas des prévisions. Ils montrent les relations fortes entre les « croyances » qui correspondent aux 5 questions posées précédemment. Ces résultats illustrent en premier la capacité de CCEM à reproduire un large éventail de simulations. Cela aide à comprendre que les croyances implicites sont souvent la principale raison pour laquelle différents scientifiques sérieux, motivés et compétents proposent des prévisions et des recommandations très différentes à partir de leurs simulations de modèles terrestres. Ces trois simulations ignorent la question de la réaction sociétale, donc la redirection écologique n'est pas déclenchée. Néanmoins, il est intéressant de constater que le premier et deuxième scénarios sont assez irréalistes car ils produisent une grande quantité de "douleur" qui est de nature à déclencher une redirection écologique. Le premier scénario, parce que la température atteint +3°C, s'accompagne d'un grand ensemble de catastrophes dues au réchauffement climatique. Le deuxième scénario, parce qu'il crée à la fois une pénurie d'énergie et d'énormes augmentations de prix (la seconde causée par la première), produirait également beaucoup de stress sociétal et économique (rappelons que l'équilibre sociétal a été acheté pendant des décennies avec la croissance économique). C'est la raison pour laquelle le CCEM a été étendu avec la redirection écologique, ce que nous allons voir dans la section suivante.

La figure suivante (Figure 2) décrit l'intention de rendre explicites les croyances dans CCEM. Le modèle de simulation CCEM est composé de variables d'état qui décrivent la Terre comme un système complexe, et de règles de simulation que nous décomposons en :

  • Les fondations, telles que le réchauffement climatique dû au CO2 selon le GIEC, le modèle de croissance économique, ou la boucle d'ajustement entre l'offre et la demande. Comme indiqué dans la figure, ces fondements représentent l'ossature du modèle de simulation. Ce sont des hypothèses qui ne sont pas remises en question (c'est pourquoi il est important qu'elles soient partagées). Comme cela est dit dans la figure, si vous ne partagez pas ces fondations, CCEM n’a aucun intérêt.
  • Les « beliefs » en tant que paramètres du modèle, qui sont une abstraction des réponses aux 5 questions posées plus haut. Ce ne sont que des "hypothèses" qui peuvent être facilement modifiées dans CCEM, donc ici le modèle laisse l’utilisateur libre de décrire sa propre vision du monde (ce que nous avons illustré avec les 3 scénarios). La manière la plus intéressante d'utiliser le modèle CCEM est d'utiliser les résultats de la simulation pour remettre en question vos propres croyances.

 


Figure 2 : La simulation comme outil d’appréciation de ses « croyances »



3. Homéostasie et Redirection Ecologique

La principale contribution de CCEM en tant que "IAM" est d'enrichir la boucle de rétroaction du réchauffement climatique vers le système énergie/économie. Pour aborder cette rétroaction, nous devons représenter deux choses :

  • Quels sont les impacts du réchauffement climatique : inondations, canicules, feux de forêt, pénuries d'eau et élévations du niveau de la mer, pour ne citer que les plus évidents (lire « The Uninhabitable Earth » de David Wallace-Wells) ? Ces impacts sont à la fois matériels et humains, avec des pertes physiques, de vies ou de capacités, mais aussi des douleurs psychologiques sévères.
  • Quelle rétroaction devons-nous prendre en compte ? La plupart des modèles considèrent une réduction des capacités de production, causée soit par la perte de capacité (impact direct), soit par les coûts sociétaux. Cependant, lorsque la douleur due aux catastrophes devient élevée, nous sommes susceptibles de voir, au moins dans certaines parties du monde, des bouleversements politiques et des décisions associées "induites par la douleur". Évidemment, la portée des décisions que nous pouvons envisager est liée au modèle global d'énergie/économie. Dans cet article, nous examinerons trois réactions "politiques" : accélérer la taxe sur le CO2, augmenter l'ensemble des activités qui sont abandonnées en raison de leur impact sur le CO2 (renforçant la boucle de "cancellation" présentée à la section 4) ou renforcer la "politique de redistribution de l'énergie".

Nous empruntons le terme de "redirection" à Bruno Latour, et à de nombreux chercheurs qui travaillent sur l'Anthropocène (lire par exemple « l’évenement Anthropocène » ou «  The Anthropocène : A Multidisciplinary Approach »). Il y a deux éléments clés dans le concept de redirection : d'abord, il n'y a ni feuille de route ni "transition", le système complexe énergie/économie/climat/société évoluera de manière chaotique, montrant des amplifications et des bifurcations qui rendent les prévisions et la planification hasardeuses. Ensuite, le système évoluera à travers des redirections : des décisions prises à un moment donné dans un contexte donné, par exemple à la suite d’une catastrophe naturelle majeure. D’un point de vue systémique, le concept de redirection exprime deux choses : (1) il n’y a pas de destination connue, il ne s’agit pas d’une transformation (on peut parler de planification au sens de François Jullien, pour développer un potentiel de situation, mais ce qui va se passer n’est pas calculable) ; (2) le système humain évolue par homéostasie, en réaction aux variations de son environnement. Dans ce texte, nous nous intéressons aux « redirections positives pour l’environnement », en conséquence de catastrophes naturelles, mais il faudrait aussi intégrer des redirections négatives à la suite de chocs économiques ou de conflits. Nous venons juste de le vivre avec l’augmentation de la consommation de charbon suite à la guerre en Ukraine.

Les boucles de rétroaction mises en œuvre avec CCEM peuvent être résumées dans la figure suivante. Les diverses catastrophes naturelles créent en parallèle une boucle de rétroaction de production et une boucle de rétroaction sociétale. La première boucle est directement liée au cinquième inconnu de la section précédente : quelle est, finalement, la perte de PIB qui est la conséquence des incendies, des inondations, des sécheresses et des canicules ? Bien que ce soit un sujet difficile à étudier, il existe une quantité importante de littérature, comme référencé dans (Wallace-Wells 2019), pour avancer quelques ordres de grandeur. La deuxième boucle est la "boucle de redirection", où la douleur causée par le réchauffement climatique pousse certains des mécanismes de redirection.

 


Figure 3 : La boucle de feedback du réchauffement climatique dans CCEM

 

CCEM introduit un "facteur de douleur" alimenté par les différentes conséquences négatives du réchauffement climatique et agissant comme un déclencheur non linéaire de redirection. Dans la version actuelle de notre modèle, la "douleur" est la somme de trois composantes :

  • « Douleur » due au réchauffement : il s'agit de la douleur causée par l'exposition directe ou indirecte, ou la crainte des catastrophes naturelles et la destruction des vies et des biens qu'elles impliquent.
  • « Douleur » due aux résultats économiques : nous vivons dans un monde d'inégalités croissantes ; l'équilibre social nécessite une croissance et une certaine forme de redistribution. Alors que la croissance diminue (encore plus si elle devient négative), les gouvernements ont du mal à gérer les "inconforts" d'une partie croissante de leur population.
  • « Douleur » due aux pénuries d'énergie : lorsque les prix de l'énergie augmentent, les individus et les entreprises doivent réduire leur consommation, jusqu'à l'annulation de certaines activités. Cela représente un niveau de douleur important (selon le degré de "criticité" des activités annulées).

La "douleur due au réchauffement" est elle-même une représentation agrégée des divers impacts, comme le montre la "zone en pointillés rouges" de la Figure 4. La douleur ici est un facteur subjectif (utilisé comme déclencheur), l'important est de trouver un moyen d'évaluer de manière homogène la douleur des différents facteurs.

Figure 4 : introduction d’un facteur « douleur » qui déclenche des redirections

Si l’on revient brièvement sur les trois scénarios précédents, les mécanismes de redirection peuvent produire une trajectoire comme celle indiquée sur la Figure 5. Avec un début qui ressemble au premier scénario, celui du « energy rich » /  « business as usual », l’augmentation de la température et des difficultés produit un certain nombre de décisions qui ressemblent temporairement au second scénario (« stick to Paris Agreement »). L’oscillation entre des périodes positives (où les mauvaises habitudes observées entre 2010 et 2020 reviennent) et négatives (pendant lesquelles l’impact de la catastrophe précédente perdure) produit une trajectoire irrégulière.

 

Figure 5: trajectoire d’émission avec redirection

 

 

4. CCEM : Coupling Coarse Earth Models

 

4.1 Comment CCEM fonctionne 

Le modèle CCEM est obtenu à partir du couplage de cinq modèles plus simples, comme décrit dans la figure suivante. La première partie consiste à représenter la quantité d'énergie disponible, à un moment donné et à un prix de production donné. Ceci est plutôt bien étudié pour les combustibles fossiles, bien que les dernières décennies aient montré que l'inventaire des énergies fossiles existantes est une « inconnue connue ». Le deuxième composant illustre comment l'économie s'ajuste, par le biais de la tarification et de l'équilibre entre l'offre et la demande, à un monde où l'énergie devient à la fois plus coûteuse et moins disponible qu'elle ne l'a été au cours des dernières décennies. Ce modèle effectue une décomposition simple entre 4 formes d'énergie primaire. Un troisième composant du modèle illustre la « transition énergétique » d'une source à une autre. Le quatrième modèle est situé dans le quadrant inférieur droit de l'image ; il représente l'économie mondiale, qui produit de la valeur à partir de l'énergie (en bas à gauche) et des ressources productives (qui croissent, ou non, au fil du temps) et produit également des émissions de CO2. Le dernier modèle décrit comment les émissions de CO2 produisent un réchauffement (basé sur les rapports du GIEC), comment ce niveau de réchauffement impacte à la fois l'économie et les populations de la terre, et comment la société peut réagir à ces impacts négatifs, ce que nous venons de décrire dans la section précédente.


Figure 6 : Le système énergie/économie/climat

Sans rentrer dans de détail de la modélisation (chaque sous-modèle décrit de façon différentielle comment le système évolue d’une année sur l’autre, en fonction de tous les paramètres de l’année en cours), voici une courte description de chacun des 5 modèles (M1 à M5) qui constituent CCEM :

  1. Modèle de ressources énergétiques (M1) : ce modèle prévoit, pour les années à venir dans la plage de simulation, la quantité d'énergie accessible à un coût donné. Le modèle sépare 3 formes de combustibles fossiles et regroupe toutes les sources "propres" (sans impact sur l'utilisation du CO2) en une seule catégorie. Le modèle M1 répond à deux questions : (a) "Quelle quantité d'énergie fossile pouvons-nous exploiter et à quels coûts ?" (b) "Quelle quantité d'énergie propre pourrait être disponible à l'avenir et à quels coûts ?". Pour les énergies fossiles, l'inventaire des ressources accessibles est un "known unknown" majeur. Ce n'est pas une valeur, mais une fonction croissante monotone du prix du marché auquel l'énergie peut être vendue. Pour chaque combustible fossile, M1 définit son inventaire et sa capacité de production annuelle. Cette capacité de production dépend de la capacité maximale (théorique), proportionnelle à l'inventaire accessible total, et de la possibilité de faire croître cette capacité. Pour l'énergie propre, le « known unknown » est la vitesse à laquelle nous pouvons développer notre production (fermes solaires et éoliennes, potentiel hydroélectrique, installations nucléaires, etc.). De nombreux facteurs rendent cette prévision difficile : disponibilité des ressources matérielles, évolution de l'efficacité technologique, capacité de financement, etc. M1 représente cela sous forme de prévision annuelle (une fonction croissante monotone associant à chaque année la capacité totale d'énergie propre).
  2. Modèle de consommation d'énergie (M2) : ce modèle calcule l'apport d'énergie attendu, pour chacune des zones du monde présentées dans l'introduction, et la quantité qui serait effectivement consommée en fonction du prix du marché. Le modèle M2 capture la réponse à la question "Dans quelle mesure chaque partie de notre PIB dépend-elle de l'énergie ?". Certaines activités économiques sont très sensibles à l'énergie car elle constitue l'un des principaux coûts associés à la création de valeur. Pour d'autres, l'énergie joue un rôle beaucoup moins important. Ce modèle s’appuie sur un « known unknown » qui est l’histogramme de la part de l’énergie dans la création de valeur. Pour cela, nous imaginons que nous divisons l'économie en tranches de ratio homogène (valeur produite / coût de l'énergie requise). Cet histogramme dicte comment l'économie réagirait si l'énergie disponible à l'avenir est insuffisante, mais il est en réalité difficile de l'échantillonner.
  3. Modèle de transition énergétique (M3) : ce modèle décrit comment la consommation d'énergie peut évoluer d'une source d'énergie primaire à une autre : quelle part, à quelle vitesse (la transition est exprimée sous forme de feuille de route) et pour quel investissement. Le modèle M3 répond à la question "À quelle vitesse pouvons-nous remplacer une source d'énergie primaire par une autre ?". Pour chaque transition, notre "croyance" est une feuille de route, une fonction qui indique pour chaque année quelle part de la consommation d'énergie peut être transférée vers une autre source. Le modèle CCEM comporte quatre types d'énergie primaire, et les transitions sont orientées, il y a donc six transitions à considérer : charbon vers pétrole (avec des techniques CTL), charbon vers gaz, charbon vers énergie propre, pétrole vers gaz, pétrole vers énergie propre et gaz vers énergie propre. De nombreuses contraintes rendent cette transition énergétique difficile et coûteuse. Les sources d'énergie ont des utilisations et des contraintes différentes (comme la mobilité, l'intermittence, etc.) entraînant l'utilisation de sources d'énergie secondaires, également appelées "vecteurs" (électricité, hydrogène, …). Les substitutions nécessitent du temps et des investissements. Ainsi, elles sont représentées dans M3 comme une "croyance", une feuille de route de transition pour chaque zone qui indique, pour chacune des transitions fixes (A → B), quelle part de la consommation de A peut être transformée en B. L’introduction de nouveaux vecteurs d’énergie, tels que l’hydrogène, influe la matrice de transition qui est fournie comme le paramètre central de M3.
  4. Modèle économique (M4) : c'est ainsi que nous représentons la création de valeur/PIB de l'économie mondiale à travers des actifs qui croissent en fonction des investissements, en utilisant l'énergie "fournie par les autres modèles". Nous capturons également, de manière sommaire, la boucle de rétroaction de M5 (perte de capacité productive). Le modèle M4 représente la question « quel PIB est produit à partir d'un montant donné d'investissement, de technologie, d'énergie et de main-d'œuvre ? ». Il utilise un modèle de croissance exponentielle simple (comme c'est le cas pour la plupart des modèles terrestres) basé sur des actifs productifs créant de la valeur sur une unité de temps grâce à l'utilisation de l'énergie. La croissance exponentielle provient du fait qu'une partie de la production au temps N est investie dans l'ajout d'actifs productifs pour les années suivantes. Les investissements sont séparés en investissements de transition énergétique, qui sont nécessaires pour effectuer les étapes de transition (voir la section suivante), et en investissements de croissance. Cette croissance exponentielle peut être ralentie si l'énergie disponible est insuffisante ou si certaines ressources sont rendues inopérantes par les conséquences catastrophiques du réchauffement climatique (résultat du modèle 5).
  5. Modèle de redirection écologique (M5) : ce modèle est fondé, comme vu dans la section précédente, sur une abstraction des RCP du réchauffement climatique du GIEC, qui traduit l'élévation de température qui à son tour crée des impacts négatifs. Ces impacts sont mesurés par la perte de capacité productive, mais déclenchent également des redirections, des changements dans les politiques de gestion de l'énergie et de l'économie. Le modèle M5 répond à la question "Quelles conséquences devons-nous attendre du réchauffement climatique prévu par les modèles du GIEC ?" en abordant trois sous-questions : l'élévation de la température due à l'augmentation du CO2, les conséquences de ce réchauffement et la réaction de l'humanité. Le modèle simplifie les prévisions du GIEC en une fonction reliant l'élévation de température à la concentration de CO2 atmosphérique. Les conséquences sont évaluées en fonction de la perte de PIB due à l'élévation de la température, et la réaction humaine est modélisée à travers des bifurcations possibles, comme l'accélération des taxes sur le CO2, l'abandon de certaines sources d'énergie ou la redistribution de l'énergie ou des droits d'émission de CO2.

 

4.2 Illustration d’un résultat type

CCEM a été mis en œuvre avec succès avec le langage de programmation CLAIRE pour effectuer des simulations préliminaires. Ces simulations sont préliminaires car les "croyances médianes" proviennent d'une "compilation simple" de la bibliographie web (même si cela représente 30 pages de notes sans, elles sont sans validation spécifique). Les résultats présentés dans la Figure 7 représente un scénario type avec ces « croyances médianes ». La partie gauche de la figure présente les indicateurs habituellement trouvés dans des rapports similaires sur les modèles terrestres (tels que DICE ou ACLL) : PIB, production totale d'énergie primaire, émissions de CO2 (forçage) et température résultante (moyenne mondiale annuelle). La partie droite de la figure présente les mêmes données en utilisant l'identité de Kaya pour définir les indicateurs de performance : PIB / habitant, densité énergétique (Wh pour produire 1$ de PIB) et intensité en CO2 de l'énergie (gCO2 / kWh). Je n’inclue pas de résultats plus détaillés tels que la perte de PIB due à la pénurie d'énergie ou les dommages dus au réchauffement climatique (perte de PIB en pourcentage en raison de la perte de capacité de production), mais ils sont déjà significatifs pour un tel scenario. L’exemple de la population mondiale (ici à 9.2 milliards en 2100) , qui tient compte de révisions récentes due à la baisse constate de la fertilité  montre que les “known unknown” utilisés par CCEM sont tous discutables par construction. Si ces illustrations attisent votre curiosité, je vous rappelle que vous pouvez trouver une présentation de CCEM sur Slideshare.

 


Figure 7 : Un exemple de scénario « moyen » et sa décomposition selon Kaya

 

4.3 CCEM en tant que meta-modèle 

CCEM peut être vu à la fois comme un modèle simplifié, ou comme une architecture permettant de coupler plusieurs modèles. La figure suivante représente CCEM comme un anneau avec six modèles simplifiés (les 5 que nous avons décrits et l’abstraction que nous avons faite des résultats du GIEC). Les « croyances » que nous importons pour les modèles M1 à M5, en tant que paramètres, peuvent être vue de trois façons :

  • Des « croyances » : comment l’utilisateur voit le futur.
  • Le résumé d’une recherche bibliographique qui cherche à capturer le consensus des experts. C’est ce que j’ai fait pour les résultats de simulation présentés plus haut, mais c’est un exercice difficile car il n’y a pas de consensus.

  • L’abstraction de résultats de simulation produits par d’autres modèles : c’est dans ce cas que CCEM devient une architecture de coopération de modèles.


Un des points importants qui apparaît dans cette figure est que CCEM (l’anneau en vert) est plus simple que la plupart des modèles périphériques qui lui servent d’input.

 


Figure 8 : CCEM as a meta-model for coupling more detailed earth models

Pour terminer, il convient de souligner que CCEM n'est pas conçu pour que la simulation produise les réponses aux questions des "known unknows". L'exemple de la transition énergétique est une bonne illustration : il existe une énorme quantité de travaux consacrés à la prévision de ce qui est réalisable en tant que "politique de transition énergétique". Si vous croyez que les matières premières telles que le fer sont un facteur limitant pour passer à de nouvelles énergies telles que l'éolien, cela doit et peut être reflété dans les tableaux de "croyances" associés (actifs énergétiques). D'une certaine manière, les croyances agissent comme un découplage modulaire des autres modèles de simulation terrestre : chaque "modèle de croyance" est une abstraction grossière d'un autre modèle qui a été développé ailleurs.

 

5.  Conclusion

Je félicite le lecteur qui est arrivé jusqu’ici, puisque la présentation très incomplète d’un objet complexe tel que CCEM est une gageure. Le principal intérêt du modèle CCEM est de faire apparaître les multiples dépendances entre toutes les « inconnues du modèle » (nos « known unknowns »). Cette interdépendance systémique est difficile à raconter, encore plus dans un court texte. La bonne façon de l’appréhender est de jouer avec le système, sous la forme d’un jeu sérieux. Mais il est difficile d’être motivé par le jeu sans une certaine forme d’adhésion avec sa logique. L’objectif de ce premier billet était donc de faire une présentation de cette logique de simulation, même s’il s’agit d’une version très préliminaire de CCEM.

On peut aussi raisonnablement douter de l’intérêt d’un « petit modèle » face à un enjeu et une réalité aussi complexe. La plupart des IAM représentent en effet des efforts considérables, de plusieurs dizaines d’homme années. La réponse tient dans la volonté de construire « un Rubik Cube des beliefs », un objet conceptuel pour pouvoir manipuler et faire pivoter ses propres croyances, ce qui suppose que le modèle sous-jacent soit compact et facile à appréhender. Cette première version du modèle CCEM est satisfaisante dans le sens où elle permet d’assembler et manipuler ces « beliefs », en couvrant un spectre large de représentation de la question de notre réaction au réchauffement climatique.  Comme la Figure 7 l’exprime, CCEM est un modèle compact parce que les points de complexité sont abstraits dans des objets simples. Ces six abstractions (les 5 beliefs et la projection des résultats du GIEC) sont des projections simplistes, mais cette simplicité permet de jouer et comprendre les interactions.

Pour conclure, la citation suivante sur livre sur l’Anthropocène précédemment cité illustre bien l’état d’esprit de la démarche CCEM ; il ne s’agit pas de résoudre un problème, mais d’adapter nos modèles mentaux à un nouveaux monde : « The reason is that the Anthropocene presents not a problem, but a predicament. The difference is important for our multidisciplinary project. A problem may be solved, sometimes using a single physical or conceptual tool produced by experts in the only appropriate field, but a predicament presents a challenging situation requiring resources of many kinds. We don’t solve predicaments; instead, we persevere with more or less grace and decency ».