L’innovation est un des thèmes a la mode, on en parle partout, la fonction de directeur de l’innovation s’est développée et est mise a
l’honneur dans des conférences spécialisées (par exemple: les
rencontres nationales des directeurs de l’innovation). Elle reçoit l’attention de toutes
sortes de consultants qui proposent des méthodes pour cultiver, favoriser, faire émerger (nous sommes bien dans le management de l’émergence) les innovations dans les entreprises.
“Innovation” est un terme polysémique qui désigne aussi bien l’innovation
interne, tournée vers l’amélioration continue des processus, que l’innovation
externe, dont le but est de développer des nouveaux produits et services. Pour
donner plus de sens à segmentation, je vous conseille de lire cet article de Cecil Dijoux sur la vision de Peter Drucker. Dans ce billet, je vais m’intéresser de façon
spécifique au deuxième type d’innovation, dans le domaine particulier du monde numérique
(qui concerne de plus en plus d’entreprises). Le fil rouge de ce billet est que
le discours “innovation sociale” (l’innovation
est l’affaire de tous, tissons les liens faibles, encourageons les bonnes idées,
faisons des concours, etc.), même s’il est pertinent dans le cadre de
l’innovation continue (premier type) - et je dois reconnaitre que je me le suis
approprie dans mon livre “Processus et Entreprise 2.0” (lien) ;) - manque de
“mordant” pour être efficace et approprié pour produire des innovations numériques
utiles.
La première conviction forte est que, dans ce monde numérique du 21e siècle, ce ne sont pas les idées qui comptent, c’est la réalisation irréprochable qui apporte simplicité et utilité au client. Tout le monde a les mêmes idées, et il n’est vraiment pas difficile de produire des idées. Ce qui distingue les entreprises, c’est d’une part la rapidité d’exécution, mais encore plus la qualité de l’exécution. Pour paraphraser Steve jobs, “the innovation is the code”. Beaucoup de consultants sont venus dans mon bureau pour me proposer des “ideation methods”, des méthodes pour produire des idées. Comme je l’ai déjà écrit, je suis un disciple de “The Lean Startup”: ce qui mesure la valeur du processus d’innovation n’est pas la création d’idées, mais la validation par un feedback utilisateur des “idées qui marchent”, ce qu’Eric Ries appelle le “validated learning”. Il faut donc aller chercher ce retour client, le plus rapidement possible (un principe lean mais également une obligation par rapport aux concurrents) et itérer jusqu’a l’obtention d’une véritable innovation utile, qui, selon la formule consacrée, “résout un problème du client”.
Dans un monde complexe - et le domaine numérique/logiciel est complexe - pour produire “une idée qui marche”, il faut faire et pas seulement réfléchir. On retrouve ici une des idées clés de mes présentations à Lean IT Summit et Entreprise 2.0 Summit, exposée dans le premier chapitre de mon livre. Le véhicule propose par Eric Ries est le MVP (Minimum Viable Product): il s’agit de montrer au client “du code qui marche”, selon le motto de l’IETF “nous croyons a un consensus grossier et a du code qui tourne”. C’est bien la recette pour construire le MVP: obtenir un consensus grossier entre marketing, designer et développeur (et surtout pas une spécification détaillée) et laisser les développeurs produire le MVP, en cycle itératif (lien sur BDIS) et en mode plateau/agile. La véritable innovation se produit par alchimie, par la participation des différentes voix et parce qu’on laisse suffisamment d’autonomie a ceux qui produisent le code pour exprimer leur talent.
L’innovation n’est pas portée par des idées, elle est portée par des femmes et des hommes. C’est ce qu’expriment les quelques maximes du “pretotyping manifesto”:
La première conviction forte est que, dans ce monde numérique du 21e siècle, ce ne sont pas les idées qui comptent, c’est la réalisation irréprochable qui apporte simplicité et utilité au client. Tout le monde a les mêmes idées, et il n’est vraiment pas difficile de produire des idées. Ce qui distingue les entreprises, c’est d’une part la rapidité d’exécution, mais encore plus la qualité de l’exécution. Pour paraphraser Steve jobs, “the innovation is the code”. Beaucoup de consultants sont venus dans mon bureau pour me proposer des “ideation methods”, des méthodes pour produire des idées. Comme je l’ai déjà écrit, je suis un disciple de “The Lean Startup”: ce qui mesure la valeur du processus d’innovation n’est pas la création d’idées, mais la validation par un feedback utilisateur des “idées qui marchent”, ce qu’Eric Ries appelle le “validated learning”. Il faut donc aller chercher ce retour client, le plus rapidement possible (un principe lean mais également une obligation par rapport aux concurrents) et itérer jusqu’a l’obtention d’une véritable innovation utile, qui, selon la formule consacrée, “résout un problème du client”.
Dans un monde complexe - et le domaine numérique/logiciel est complexe - pour produire “une idée qui marche”, il faut faire et pas seulement réfléchir. On retrouve ici une des idées clés de mes présentations à Lean IT Summit et Entreprise 2.0 Summit, exposée dans le premier chapitre de mon livre. Le véhicule propose par Eric Ries est le MVP (Minimum Viable Product): il s’agit de montrer au client “du code qui marche”, selon le motto de l’IETF “nous croyons a un consensus grossier et a du code qui tourne”. C’est bien la recette pour construire le MVP: obtenir un consensus grossier entre marketing, designer et développeur (et surtout pas une spécification détaillée) et laisser les développeurs produire le MVP, en cycle itératif (lien sur BDIS) et en mode plateau/agile. La véritable innovation se produit par alchimie, par la participation des différentes voix et parce qu’on laisse suffisamment d’autonomie a ceux qui produisent le code pour exprimer leur talent.
L’innovation n’est pas portée par des idées, elle est portée par des femmes et des hommes. C’est ce qu’expriment les quelques maximes du “pretotyping manifesto”:
- innovators beat ideas
- doing beat talking
- commitment beats committees
Il n’y a pas de
surprise ici, puisque le mouvement “pretotyping”
est inspiré, entre autres, par Eric Ries. J’aurai pu citer certaines
« vérités » de Google, rappelées par Mark Striebeck : « Focus on the user and all else will follow », « Fast is better than slow ». Chez Facebook, on trouve :
- code wins
- done is better than perfect
Toutes
ces maximes tournent autour de deux idées : l’innovation est dans le code
(dans l’acte) et il faut produire ce code selon une approche de « Lean
Startup ». Ceci conduit rapidement au concept de Lean Software
Development,
mais cela sera le sujet d’un autre billet.
Promouvoir l’innovation numérique ne consiste donc pas à organiser des
grands concours pour récompenser les bonnes idées (ces concours ont leur utilité
propre néanmoins), mais à donner des
moyens et de l’autonomie à ceux qui peuvent transformer l’idée en MVP (ce
qui est plus qu’un POC - proof of concept).
Remarquons d’ailleurs que des entreprises américaines regroupent les deux
puisque la récompense du concours d’idée est précisément l’accès à des moyens
pour développer l’idée. Le management a donc un rôle essentiel à jouer, dont la
première partie consiste à savoir s’effacer. Je vous renvoie au chapitre 9 de
« Processus et Entreprise 2.0 ». De la même façon,
toujours pour citer Steve Jobs, « you can’t ask customers what they
want and try to give it to them ». La co-invention avec le client est une approche intéressante, mais c’est un
cas particulier. En général, ce que le client connait, c’est son problème, pas
la solution. Le client a un rôle central dans la validation du MVP, mais
l’innovation est dans la l’acte de fabrication et son itération.
Pour conclure, je vais revenir sur ce thème du management de l’émergence. L’innovation se produit au carrefour de plusieurs principes contradictoires, créant des lieux de frottement et de tension. Concrètement, je vois trois oppositions:
Pour conclure, je vais revenir sur ce thème du management de l’émergence. L’innovation se produit au carrefour de plusieurs principes contradictoires, créant des lieux de frottement et de tension. Concrètement, je vois trois oppositions:
- la
tension entre le “temps court” et le “temps long”. Il faut les deux pour innover : un
temps court pour l’action et l’itération, mais également un temps long
pour l’incubation. Je vous recommande l’excellent talk de Steven Johnson, dans lequel il parle des « slow hunchs ». Pour les
disciples du lean, le « takt time » s’applique dans
l’action, dans le processus de « validated
learning », pas dans la phase préliminaire de gestation des
idées. C’est un point important, plus large que l’innovation : tout
ne se fait pas rapidement lorsqu’on « fait du lean ». Pour
reprendre les métaphores agricoles de François Jullien, il y a un travail
de préparation de la terre, qui se fait en amont et sur un temps
long. Dans son très bon livre « The Myths of
Innovation », Scott Berkun déclare que « The best lesson from the myths of
Newton and Archimedes is to work passionately but to take breaks ».
- la
tension entre la “force des liens faibles” et le “pouvoir des cliques”. C’était un des thèmes clés de la
conférence « Management et Réseaux Sociaux » qui s’est tenue à Genève le mois dernier.
Je ne reviens pas sur l’avantage des réseaux de liens faibles. C’est la
thèse de Mark Granovetter, que j’ai exprimée de multiples fois dans
ce blog. Ces liens faibles servent à sortir du
cadre, à résoudre des crises, à produire des idées nouvelles. En revanche,
les réseaux de liens forts (les gens que nous côtoyons quotidiennement)
sont également très intéressants. Ils
ont un « cluster rate »
élevé (forte transitivité, ils forment des cliques, c’est-à-dire des
sous-graphes complets, des groupes de personnes fortement connectées). Les
sociologues constatent que cet « environnement de clique »
produit une plus grande intimité, une plus forte intensité émotionnelle et
une plus grande confiance mutuelle. Le groupe produit un langage commun,
il intensifie le support mutuel. Ce
sont précisément les caractéristiques d’une petite équipe (une start-up par exemple). La
conclusion des sociologues est qu’il faut produire des organisations ambidextres, qui savent combiner liens faibles et
liens forts, réconcilier « closure »
et « brokerage ».
- la
tension entre l’expertise et la pluridisciplinarité. L’expertise est nécessaire pour innover, c’est ce
qu’exprime cette autre maxime de Google « It's
best to do one thing really, really well ». Il faut également combiner les talents et
diversifier les contributions. Le mécanisme
qui réconcilie cette tension entre l’expertise et l’ouverture est celui de
la plateforme (cf. le livre amusant de Jeff Jarvis, « What
would Google do ? »). La plateforme est l’outil qui
permet d’implémenter une stratégie d’innovation ouverte (contrairement à
ce qu’on pourrait penser, ce n’est ni le chéquier pour acheter les
solutions, ni le tableur Excel pour sélectionner les meilleures
idées ;)). La plateforme est également le cœur des développements en
« open source », une bonne synthèse entre expertise et
multi-compétences.
C’est pour cela qu’il est difficile de proposer des méthodes, il faut savoir cultiver les contraires. Les concepts de méthode et d’innovation ne sont pas inconciliables, mais il faut plutôt s’appuyer sur les pratiques. Ce n’est pas un hasard si l’excellent livre de Langdon Morris «Permanent Innovation » fait référence à la citation d’Aristote « Nous sommes ce que nous faisons de manière répétée. L’excellence n’est donc pas une action mais une habitude ». Manager l’excellence, comme manager l’innovation, relève de la culture des habitudes. Son chapitre 12, qui s’intitule « Doing It » contient 40 recommandations qui sont essentiellement des pratiques. Il faut également produire un alignement rigoureux sur ce que Michael Ballé appelle le “True North”. Il faut allier la variété des opinions et des points de vue à l’unicité de l’objectif, ciment d’une véritable collaboration et de création de valeur. Je conclurai en citant Geoffrey Moore dans “Dealing with Darwin”: « The lack of cooperation, however, is often caused by those very same leaders’ falling prey to the other enemy of innovation: lack of corporate alignment”.
C'est bien pour toutes ces raisons que nous cultivons le "done is better than perfect" à la Sphère et que nous travaillons aussi au niveau de la culture d'entreprise via les formations afin que chacun soit un peu plus intrapreneur :)
RépondreSupprimerQuelques liens supplémentaires :
http://www.businessweek.com/articles/2012-03-20/memo-to-ceos-stop-blathering-about-innovation-and-do-something
http://www.fastcodesign.com/1668930/the-brainstorming-process-is-bs-but-can-we-rework-it
et ma "curation" sur le sujet : www.scoop.it/t/transformation
Nicolas Enderlé
Si nous ne devions comptabiliser que les idées, mesurées en poids des rapports consacrés depuis des années au développement du numérique en France, nous serions sûrement champions du monde ! Les américains se sont toujours demandés pourquoi nous avions éprouve l'irrésistible besoin d'avoir un ministre charge de l'économie numérique... Pour en parler, bien sûr ! Et nous le faisons très bien...
RépondreSupprimerMais l'innovation n'est pas affaire de croyance ni de volonté, l'innovation ne se juge comme tu le dis si bien que dans l'action. C'est parce que le produit parle de lui-même que le client l'adopte. C'est parce que le changement stimule la motivation et la créativité que les utilisateurs en sont porteurs, non pas parce qu'ils ont subi un "traitement" de change management. Nous sommes confrontés au syndrome "grands diseux, petits faiseux" qui frappe les Francais en France mais curieusement pas les Français hors de France qui réussissent parfaitement à s'adapter au rythme et au management de l'innovation. Il n'y a pas de problème à trouver des Français innovants... En Californie ! Fort heureusement, il n'y a pas de fatalité et l'organisation peut faciliter la stimulation des capacités créatrices enfouies dans les couches profondes de notre inconscient. Il suffit d'observer quel rouleau compresseur d'innovations et d'audace été la France industrielle sous le Second Empire.
L'innovation passe par une phase de décapage de notre image individuelle et collective qui implique lucidité et humilité... Il faut se livrer sans modération à cet exercice salutaire !
Merci à Nicolas pour les liens :) J'aime particulièrement le premier "stop blathering about innovation and do something" !
RépondreSupprimerMerci également à JP, ce que tu écris est très juste. Nous avons un patrimoine générique de champions de l'innovation et il y a eu de très belles périodes dans notre histoire, comme tu le soulignes.
Bonjour Yves,
RépondreSupprimerJe suis tout à fait d’accord avec votre conclusion de cultiver les contraires; dans notre experience du Lean, nous rencontrons effectivement une tension entre temps long et temps courts. Avec des cycles extremement courts de développement, nous avons aussi besoin de recul pour apprécier la valeur dans son ensemble. Je dirais qu’un bon moyen de réconciliation se trouve dans la vision du produit, qui doit être partagée par tous les acteurs du projet (le ciment, comme vous dites).
Concernant le “innovation is the code”, je ferais bien la différence entre le code et le produit. Laisser l’autonomie à des développeurs peut s’avérer catastrophique s’ils ne sont pas impliqués dans le processus de création de valeur, qui sera sans doute assez loin de leur quotidien (là aussi, peut être une source de tension entre expertise technique et valeur d’usage à réconcilier).
De fait, le management par la valeur est bien au coeur du Lean Startup de Eric Ries. Le validate Learning ne s’agit pas seulement de montrer du code qui tourne à l’utilisateur, mais bien de le faire participer au processus (ou le MVP, que j’assimile plus au processus qu’au produit lui-même). Et c’est seulement à partir du feedback que l’on valide ses hypothèses pour itérer.
Proposer une méthode s’avère effectivement difficile, et la plus grande difficulté réside peut être dans le “good enough”, à viser le Minimum à concilier avec le Viable (ou Valuable). C’est la question à se poser continuellement, suis-je en train de créer de la valeur ou de faire quelque chose de superflu ? Et c’est bien dans l’expèrience que l’on trouve une partie la réponse.
Cordialement,
100% d'accord ! "l'innovation est dans le code" ne signifie pas "100% du pouvoir aux développeurs". Il faut d'une part mélanger les talents sur le plateau de développement (ergonomie et marketing ont leur place) et surtout, comme vous le soulignez, que tous, y compris les développeurs, s'inscrivent dans un cycle d'écoute du client et d'apprentissage. D'où mon enthousiasme pour "The Lean Startup".
SupprimerLe ciment est l'amour du client (et l'amour du produit, qui est consubstantiel :)).
La question de la méthode est "faut-il une méthode ?" ou est-ce une question de pratiques et de rituels, qui construisent une culture"
Merci pour cet article très complet...au passage, puisqu'on parle des habitudes (ou de la culture d'entreprise), je vous recommande l'excellent article de Lazlo Bock (Google) sur ce qu'est la culture chez Google. Au delà de l'ambiance détendue, des petits à-côtés amusants, il s'agit surtout de PASSION. C'est basé sur le triptyque Vision / Transparency / Voice.
RépondreSupprimerhttp://www.thinkwithgoogle.com/quarterly/people/laszlo-bock-people-ops.html
Merci pour le lien, l'article est très intéressant, et c'est une bonne référence !
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