Le sujet du jour est un livre assez ancien, mais qui est un best-seller absolu : « In search of Excellence » de Thomas J. Peters et Robert H. Waterman. J'ai lu l'édition de 2003, mais la publication remonte à 1982. Ce livre, qui a été qualifié de « Greatest Business Book of All Time », a été vendu à plus de 3 millions d'exemplaires. Le sous-titre « lessons from America's best-run companies » indique ce qui donne un intérêt particulier à ce qui va suivre : le livre fourmille d'exemples concrets et les principes sont tirés de l'expérience. Même s'il y a eu quelques controverses sur la méthode de sélection des « best-run companies » et si la suite de l'histoire a pu réserver des surprises pour certaines d'entre elles, le talent des auteurs pour démonter les rouages de la performance et de l'excellence demeure intact.
J'ai pris une quantité impressionnantes de notes dans la marge, le double d'un livre habituel et je vous le recommande chaleureusement, dans la même pile que « From Good to Great » de Jim Collins (que j'aborderai un autre jour). Comme d'habitude, mon résumé thématique est incomplet puisqu'il se concentre sur les thèmes de ce blog.
- Le livre commence avec les 8 traits communs des « excellent companies ». Ce qui m'a le plus fasciné est le lien avec les principes du TPS (Toyota Production System) et plus généralement du Lean Management, alors que le livre a été écrit bien avant ceux de Liker, Jones ou Womack. Ces 8 traits forment le plan du livre, et le parallèle avec « The Toyota Way » est frappant.
- La passion de l'action – les mots clés étant : prise de risque, essai, pilote, engagement.
- L'orientation vers le client – il faut lire le chapitre car seules les anecdotes permettent de comprendre ce que ce slogan « passe-partout » signifie lorsqu'il est vécu de l'intérieur.
- L'autonomie (la décentralisation) et la culture d'entrepreneur.
- La recherche de la performance par les individus et le respect de la personne.
- Une approche pragmatique et concrète, mais orientée par des valeurs d'entreprise
- Se concentrer sur son métier, ne faire que ce qu'on maîtrise parfaitement
- Combiner l'autonomie et la liberté (le coté « loose ») avec maîtrise, rigueur et valeurs (le coté « tight »). Un vibrant plaidoyer pour le MBWA (Management by Wandering Around) rappelle étrangement le genchi genbutsu.
- Un des thèmes clés du livre est le lien entre l'innovation et la communication dans l'entreprise. « People simply talk to each other » semble être une vertu cardinale. Pour reprendre une citation d'un dirigeant de HP « We're not sure exactly how the innovative process works. But there is one thing we do know: the easy communications, the absence of barriers to talking to one another are essential." Les auteurs poursuivent: nous le voyons sans cesse dans les entreprises excellentes, elles sont obsédées par un partage large des informations et l'abolition des secrets internes. « The nature and uses of communication in the excellent companies are remarkably different from those of their non-excellent peers … [they] are a vast network of informal, open communications. The patterns and intensity cultivate the right people's getting into contact with each other, regularly, and the chaotic/anarchic properties of the system are kept well under control simply because of the regularity of contact and its nature". Un très beau plaidoyer pour l'entreprise 2.0 vingt ans avant l'apparition des outils 2.0 J
- L'innovation est clairement définie comme une réaction à l'environnement. « Innovative companies are especially adroit at continually responding to changes of any sort in their environment". Le rôle de la communication et des canaux est fondamental pour capter ces changements et propager les adaptations nécessaires. « The excellent company solution is that is occurs via a remarkably rich set of interactions with the environment – namely, customers ».
- D'un point de vue systémique, une des contributions les plus intéressantes est celles des « loosely coupled systems ». Pour innover, il faut conserver des « degrés de libertés », un peu de « marge de manœuvre ». Cela peut se traduire par un peu de redondance, ou un recouvrement dans les organisations, voir une approche parallèle. Ce point nuancé à la fin du livre par la tension duale « tight-loose » (point 7 précédemment évoqué).
- Les années 80 sont l'époque du « small is beautiful ». Le livre insiste sur les « diseconomies of scale », avec une analyse fort intéressante – qui montre comment les gains d'échelle qui progresse faiblement une fois une taille critique atteinte sont rapidement dépassé par les inconvénients en terme de flexibilité et d'adaptabilité. On retrouve l'intuition fondamentale de Taiichi Ohno, le père du lean management. Les auteurs illustrent ce concept sur plusieurs entreprises, dont HP, qui préfèrent des petites unités de production non-optimales (d'un point de vue statique) pour conserver une meilleure agilité dynamique (et de nombreux autres avantages liés aux structures « à taille humaine »). « We find that the lion's share of the top performers keep their division size between $50 and $100 millions, with a maximum of 1000 or so employees. Moreover, they grant their divisions extraordinary independence".
- Cette réflexion sur la taille s'applique également au travail en équipe. Les auteurs donne leur faveur à un « essaim de petites équipes avec des horizons de temps cours » plutôt que des « taskforces transverses » trop longues et trop peuplées. «Research effectiveness is inversely related to group size: assemble more than seven people and research effectiveness goes down ». On retrouve le même chiffre un peu plus loin: "The academic evidence is clear on this: optimal group size, in most studies, is about seven".
- Plus généralement, on trouve une réflexion sur la complexité qui est très moderne, capture une bonne part de l'intuition du «lean » et reste donc pertinente aujourd'hui. Les compagnies excellentes maîtrisent leur complexité interne : « La complexité cause la léthargie et l'inertie qui empêchent beaucoup d'entreprises d'être réactive ». « Along with bigness comes complexity … and most companies respond to complexity in kind, by designing complex systems and structures ».
- L'importance de l'apprentissage organisationnel est soulignée de nombreuses fois. « The excellent companies are learning organizations ». Elles investissent et font preuve de créativité pour acquérir avant le marché les compétences nécessaires pour rester en avance. Le « biais pour l'action » (point 1) traduit cet apprentissage dans les actes : on apprend en faisant dans les excellentes compagnies, pas en lisant des slides ou en écoutant des experts : « Doing things leads to rapid and effective learning, adaptation, diffusion and commitment ». Néanmoins, l'apprentissage n'est pas un « silver bullet » puisque, comme le remarque Karl Weick « organization learns and adapt v-e-r-y slowly ». Ce qui rend l'enjeu de l'apprentissage organisationnel encore plus fondamental dans un monde qui bouge constamment.
- On trouve également les prémices d'une réflexion sur l'aplatissement des hiérarchies, un sujet cher à ce blog. Une vision un peu caricaturale du mid-management « The moment that staff, in any number, leaps into action, it starts generating information requests, instructions, regulation, policies, reports …" conduit à préférer des organizations plates: "excellent companies seem to have found ways of coping with this problem … there aren't enough corporate staff around to generate much confusion down the line". Il y a également plusieurs références fort intéressantes à Mintzberg sur la façon dont les managers passent leur temps. Cela m'a conduit à lire « Managing » que je n'ai pas encore terminé. L'idée principale est que les managers réagissent et ne planifient pas leur temps. J'y reviendrai dans un prochain billet.
Le prochain livre que j'aborderai sera « Images of Organization » de Gareth Morgan.
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